1943 : La Tunisie

1943 : La Tunisie

* ORDRE DE BATAILLE DE LA PREMIÈRE DIVISION FRANÇAISE LIBRE CAMPAGNE DE TUNISIE MAI 1943

Commandant de la 1e D.F.L. :
Général de Larminat

Commandant adjoint :
Général Koenig

Etat-Major :
Compagnie du Q.G. 50 (Lieutenant Olivier)

Première Brigade

Etat-Major
Général Lelong

Cie Q.G. 51
Lt Ronzenweld

1e B.L.E.
Cdt de Sairigné

2e B.L.E.
Cdt Bablon

B.I.M.P. (1)
Cdt Bouillon

22e Cie N.-A.
Cap Lequesne

Cie A.C. 1
Cdt Arnaud

1e Cie S.-M.
Cap Desmaisons

1e Cie T.
Cap Huet

Gr. d’Exploit. 1
Lt Foussat

Atelier Lourd 1
Cap Bagier

Gr. Sanitaire 1
Méd.-Cap Guillon

Deuxième Brigade

Etat-Major
Général Brosset

Cie Q.G. 52
Lt Bélan

B.M.4
Lt-Cl Bourgeois

B.M.5
Lt-Cl Gardet

B.M.11
Cdt Langlois

Cie A.C. 2
Cap Magendie

6e Cie S.-M.
Lt Tissoire

2e Cie T.
Cap Hault

Gr. d’Exploit. 2
Lt Bertrand

Atelier Lourd 2
Cap Weis

Gr. Sanit. 2
Méd.-Cap Guénon

1e R.A.
Lt-Cl L. Champrosay


1e B.F.M. (D.C.A.)

C.C. Amyot d’Inville


1e Esc. T. (101e et 102e C.A.)

Cap Dulau


Intend. Div.

Indent. Perrat


Ambul. Chir. Lég.

Méd.-Cdt Vignes


Hôp. de Camp.


Hadfiels-Spears

Méd.-Cl Vernier

Services divers (2)

Soit au total 7 090 hommes

*Période du 30 novembre 1942 au 8 juin 1943.

Les 2 Divisions Légères Françaises Libres du Moyen Orient vont séjourner près de 5 mois dans le désert, près de Gambut, où elles poursuivront leur entrainement, alors que les Britanniques, les Américains, les Français d’Afrique du Nord et les Français Libres de la Colonne Leclerc convergent vers le centre de la Tunisie où les troupes de l’Axe se défendent pied à pied.

Le Bataillon d’Infanterie de Marine et du Pacifique participe toujours aux opérations de la VIIIe
Armée. II établit la liaison avec la Colonne Leclerc le 24 juillet 1943 au sud de Tripoli et se bat avec éclat à Médénine sur la frontière tunisienne. Sa 3e Compagnie a servi un moment de garde d’honneur au Général Montgomery.

Le 24 janvier 1943, revenant d’Ethiopie, le BM 4 reprend sa place au sein de la 2e DLFL le 1e
février 1943, les deux DLFL sont dissoutes et la Première Division Française Libre est créée. Elle est formée de deux Brigades, mais au camp de Tahag, en Egypte une 4e brigade (CI Raynal) est en cours de formation et viendra, par la suite s’intégrer à la 1e DFL. Les Unités qui composent cette brigade proviennent en grande majorité de la Somalie Française qui a enfin rallié la France Combattante le 28 décembre 1942.

Le 18 avril 1943, la 1e DFL reçoit l’ordre de rejoindre d’urgence la VIIIe Armée Britannique pour porter le coup de grâce aux forces de l’Axe en Afrique (Opération « Vulcain »). La Division quitte enfin Gambut pour la Tunisie.

Le 1e mai 1943, la DFL prend position sur le versant sud du massif du Zaghouan, où le BIMP vient la re-joindre. Le 10, la 1e Brigade attaque le Djebel Garci, la 2e Brigade, le village clé de Takrouna. Le 13, la résistance germano-italienne s’effondre en Tunisie les alliés font 300 000 prisonniers ; il ne reste plus un seul soldat de l’Axe en liberté sur le sol africain. Le 20 mai 1943, les alliés défilent à Tunis.

C’est l’époque où l’Afrique du Nord est déchiree par des courants d’opinion politique variés. Si les troupes nord-africaines ont repris le combat au côté des Alliés (après les avoir attaqués lors du débarquement), elles sont fort loin d’avoir épousé l’esprit Français Libre et les américains ne font rien pour aplanir les choses.

A l’Etat-Major d’Alger, on s’émeut du nombre de volontaires (civils ou déjà militaires) qui attirés par leur renommée, leur fidélité et leur esprit, viennent proposer leurs services aux troupes F.F.L.

Le 8 juin 1943, la 1e DFL est jugée indésirable en territoire Français et reçoit l’ordre de quitter la Tunisie pour retourner dans le désert de Tripolitaine, prés de Zuara. Le 10, ce sera le tour de la Colonne Leclerc qui sera, elle aussi, expédiée à Sabrata dans la même région où elle prendra le titre de 2e DFL.

Notes

(1) Le 1e Bataillon d’Infanterie de Marine et du Pacifique détache depuis El Alamein pour opération auprès de la VIIIe Armée Britannique rejoint la 1e D.F.L. le 7 mai 1943.

(2) Matériel, parcs, trésor, poste, prévôts, justice, militaire aumônerie, dépôts, centres d’instruction, etc.

Source : Exposition « Une chevalerie exceptionnelle ». 2010

Au lieu de séjourner comme prévu au sud de TRIPOLI, la Division par suite d’un nouvel ordre poursuit, à étapes forcées, vers la Tunisie.

Le colonel VAUTRAIN , un résistant échappé de Provence et récemment nommé chef d’état-major de la Division, la précède en avion : un terrible accident prive prématurément les Français Libres d’un chef prestigieux qui en quelques jours avait su conquérir leur estime et leur admiration.

On aperçoit au passage la ligne MARETH , théâtre des récents combats, et l’on arrive à TRIAGA, où les F.F.L. seront aux ordres du général néo-zélandais FREYBERG , commandant le 10e Corps britannique.

Il s’agit maintenant de relever la 51e Division écossaise sur la position du DJEBEL GARCI (1e Brigade du général LELONG) et de TAKROUNA (2e Brigade du colonel BROSSET ), en face des Italiens de la Division Trieste et des Allemands de la 90e Division légère. La 1e DFL arrive donc pour le dernier épisode sur le champ de bataille de Tunisie.

Dans cette région d’ ENFIDAVILLE , l’ennemi, retranché sur le massif escarpé du ZARGHOUAN, a organisé un solide réduit. Quoique la partie semble maintenant perdue pour lui, il ne cédera qu’après avoir subi les assauts conjugués des forces alliées.

Après avoir parcouru plus de 2 400 kilomètres en quinze jours, la Division, qui n’a pris que quelques jours de repos, reçoit le 5 mai l’ordre d’opérer la relève dans les nuits du 6 au 7. L’ennemi occupe toutes les pentes importantes, domine complètement les lignes alliées et même leurs arrières dans la région du Sud, interdisant ainsi tout mouvement pendant le jour. La pluie tombe, transformant les oueds en bourbiers, rendant fort difficile la progression des véhicules lourds sous les averses et dans l’obscurité.

Les deux brigades sont en ligne, l’artillerie est sur la gauche, la liaison est assurée avec la colonne du général LECLERC .

Dans la nuit du 8 au 9, des patrouilles sont organisées. L’une d’elles réussit à prendre un piton. Une autre est bloquée par un tir de mortiers très violent. Dans le secteur Nord, les Alliés font une grande quantité de prisonniers. L’ennemi s’accroche-t-il dans les djebels difficilement accessibles ou couvre-t-il le réembarquement de ses troupes ? Des patrouilles sont continuellement envoyées dans l’après-midi du 9 pour recueillir des renseignements. L’une d’elle, composée de 8 légionnaires, trouve 50 Allemands dans le fonds d’un Oued, fait 14 prisonniers du 433e Grenadiers-cuirassés avant que leurs camarades aient eu le temps d’organiser une poursuite. La nuit, les patrouilles sont au contact. L’artillerie ennemie est très active. L’adversaire n’a pas cédé sur ce front.

Pour gêner le retrait des forces de l’Axe sur le front sud, et accélérer la chute de ce front, le commandement britannique prescrit dès le 10 d’attaquer dans la journée du 11 les côtes au Nord de TAKROUNA.

Les 10 et 11 mai, les LEGIONNAIRES effectuent une opération sur le DJEBEL GARCI où ils capturent 28 prisonniers, perdant eux-mêmes 9 tués et 27 blessés, dont 2 officiers.

Le 11 au matin, c’est la 2e BRIGADE DES COLONIAUX qui attaque. Le colonel a reconnu le secteur par des patrouilles de nuit et des reconnaissances de Bren-Carriers. Il enlève, avec un gros appui de 120 tubes d’artillerie, les crêtes au nord de TAKROUNA . L’opération est menée avec beaucoup d’allant et de mordant ; en quelques heures, hardiment, souvent à la baïonnette, tous les objectifs sont enlevés.

Au BM 4, sous les ordres du lieutenant-colonel BOURGEOIS , la compagnie que commande le capitaine DEFOSSES, Père du Saint Esprit, nettoie plusieurs nids de mitrailleuses. Le Père est gravement blessé.

*LE RECIT DE TAKROUNA,

*

par le lieutenant-colonel GARDET, qui commandait le BM 5 :

Sans la citerne creusée à même le roc sur l’à pic de TAKROUNA, et qui bartie le P.C du BM 5, les officiers dorment encore. La lueur maigre de la lampe tempête pendue à un clou fiché dans la paroi éclaire mal les cinq ou six corps étendus sur la pierre. Je me réveille – 4h45 – pas plus obsédé par le souci de l’heure que par les démangeaisons multiples de la nuée de puces qui depuis l’évacuation du village se nourrissent sur les combattants. Le ronflement d’un dormeur à tout crin accompagne en sourdine les hoquets et les miaulements du poste radio, qui est à l’écoute dans un trou contigu faisant antichambre à notre citerne.

Je hausse la mèche de la lampe et me décide : Allons les enfants, debout ! , des grognements contre les puces ou contre l’empêcheur de dormir en ligne, se lèvent ; un ordonnance fait chauffer le café sur une boîte de conserve convertie en réchaud à essence. Personne ne parle encore.

La Brigade doit attaquer ce matin les DJEBILLAT , et le BM 5 , à 6 heures, la fameuse cote 150 et les pitons suivants ; la fameuse cote 150 devant laquelle les Ecossais ont échoué avant que nous les relevions le 5 mai et que la 2e Compagnie, l’avant-veille, n’a pu réussir non plus à prendre par surprise.

Je m’apprête à descendre l’échelle de TAKROUNA à 5 heures, suivi de ma liaison et accompagné du capitaine LAURELLE , officier d’ordonnance du général de Larminat, et qui a tenu à prendre part à l’attaque. C’est un grand garçon sympathique à qui ses fonctions actuelles donnent la nostalgie du combat.

Le jour commence à poindre. Déjà le DJEBEL GARCI profile dans l’ouest ses pitons abrupts et noirs sur l’horizon plus clair. En bas, la brume faite des fumées des précédents combats s’effiloche et ouate les pentes des collines. Quelques rafales courtes de mitrailleuse de garde giclent sans but précis. Il n’y a pas d’air. Il fait doux.

Je compte ma liaison du regard ; l’adjudant de bataillon, les deux radios portant le poste, mon ordonnance portant mon bidon d’eau, petit tirailleur namchi du nord du Cameroun. Au moment d’empoigner la corde de descente, je distingue quelques hommes qui grimpent et l’échelle, et le colonel BROSSET, commandant de la Brigade , apparaît, suivi de son personnel de commandement.

— Paré ? paré ; nous déboulerons à 6 heures. Bonne chance Calva.

Je dégringole l’échelle et dans le raidillon rocheux qui descend le TAKROUNA mes hommes prennent leur distance.

►  A 5h15 , j’arrive au P.C du capitaine HAUTEFEUILLE, dont la 1e Compagnie doit soutenir l’attaque de la 2e, que son chef, le capitaine PIOZIN, ne veut pas laisser sur l’échec d’avant-hier.
HAUTEFEUILLE, très calme, boit un jus. LAURELLE et moi remettons cela avec lui. Les tirailleurs, derrière leurs murettes, car les trous n’ont pu être approfondis dans le sol rocheux, terminant leurs préparatifs.

Je me pose au défilement de la crête pour observer le tir d’artillerie qui de 5h30 à 6 heures doit précéder l’attaque sur la cote 150. Maintenant il fait plein jour ; le soleil s’est levé et rougeoie dans un ciel sale.

LAURELLE m’a suivi et se couche à mes côtés. Je regarde ma montre. Dans deux minutes, le tir va commencer. Je prends mes jumelles et les mets au point sur le rocher carré qui marque à 400 mètres la cote 150 et le Blockhaus allemand n°1.

— Mon colonel demande LAURELLE, m’autorisez vous à marcher avec PIOZIN pour l’attaquer ?

Nos regards se croisent et je lis dans ses yeux francs la prière intense qui accompagne cette demande :

— Mais oui, mon vieux, ce sera dur, vous savez. Tant mieux .

LAURELLE se retire en rampant, au défilement de la crête il se relève, met ses gants, sort son révolver de l’étui et s’achemine vers le P.C de la 2e Compagnie.

Je ne le reverrai plus que mort.

5h30  : à peine l’ai-je constaté qu’un sifflement rompt le silence et presque aussitôt, à quelques mètres du blockhaus allemand, un éclatement fait jaillir du feu et de la pierraille. Trois autres obus passent en même temps et éclatent dans les rochers de la cote 150.

La préparation d‘artillerie est commencée ; pendant trente minutes l’artillerie de CHAMPROSAY , précise, rageuse, à débit accéléré, que dirige de l’observatoire le capitaine CHAVANAC , va s’acharner sur la position ennemie. Je vois dans mes jumelles, malgré la fumée qui s’épaissit, la pirre voler en éclats et je pense que les allemands savent ce qu’ils doivent attendre au bout de ce feu d’artillerie. Le tir est remarquablement ajusté, malgré les pentes. Aucune réaction ennemie. Devant moi les tirailleurs de PIOZIN , couchés dans leur trou, le nez contre terre, le fusil dans la main droite, sont immobiles.

5h55 – la canonnade s’intensifie, on ne voit plus rien, sur la cote 150. 6 heures : silence subit, fumée épaisse, pas un souffle d’air, et les tirailleurs, par section, plongent dans la bagarre.
Je me déplace en avant d’une centaine de mètres. Je ne vois toujours rien sur les pentes de la cote 150, qui ne sort pas de la fumée persistante. Tout à coup quelques rafales de F.M crépitent devant moi et assez haut, me semble-t-il ; puis la réponse des mitrailleuses allemandes, plus accélérée ; autour d emoi les derniers hommes de PIOZIN passent en courant. Un éclatement sec, puis un autre, puis plusieurs ; des grenades, sans doute ; le son vient d’en haut ; sur la droite et plus loin, j’entends une mousqueterie nourrie, sans doute autour du blockhaus n°2 ; toujours pas de réactions d’artillerie.

Il est 6h07 – les éclatements des grenades sont plus nombreux ; enfin la fumée se dissipe assez brusquement et je distingue les tirailleurs tout près de la cote 150, où l’on se bat à la grenade ; des silhouettes sautent entre les rochers ; les zigzags noirs des grenades à manche allemandes jaillissent du blockaus et terminent leur course par un éclatement bref. La lutte est dure là-haut ; vont-ils réussir ? Une explosion à ma droite, sur la route d’ENFIDAVILLE à ZAGHOUAN, bientôt suivie de plusieurs autres. C’est l’artillerie allemande qui se déclenche et encage le lieu du combat.

Bien que je puisse suivre l’action à l’œil nu, je garde la cote 150 dans le champ de mes jumelles ; je vois quelques tirailleurs qui bondissent maintenant sur le blockaus, et à leur tête, je distingue PIOZIN . Il se profile une seconde tout au sommet de la cote 150 ; il brandit son sabre d’officier, dont il a voulu s’armer pour son premier combat, et disparaît dans les rochers. Je ne vois pas LAURELLE.

Les obus commencent à tomber dru sur la route à 50 mètres en avant et à droite.

Je ne distingue pas le second blockhaus de la cote 150 caché par un angle mort et ne perçois rien de l’action engagée par là. Aucun renseignement par T.S.F ; d’ailleurs mon opérateur prétend que son poste est en difficulté. Et tout à coup deux fusées blanches sont lancées du Blockaus n°1. C’est le signal. Objectif atteint pour PIOZIN  ; mouvement en avant pour HAUTEFEUILLE .

Il est exactement 6h20. Je pars aussitôt pour installer mon P.C à la cote 150, d’où l’attaque des pitons suivants doit démarrer. Je franchis la route avec les éléments de la 1e Compagnie ; le tir ennemi d’artillerie est maintenant violent et je ne m’attarde pas en cet endroit malsain. Je crie même à un chef de section qui fait planquer ses tirailleurs : ne restez pas là, franchissez le barrage au plus vite. Je ne m’aperçois pas non plus que mon ordonnance est légèrement blessé et que le reste de ma liaison ne me suit pas.

En effet, la pente sud-est de la cote 150, est moins arrosée. J’arrive rapidement au défilement de la crête, qui elle aussi commence à recevoir des obus. Le capitaine PIOZIN est assis là, à terre, la figure pleine de sang. A ma vue, il éclate de rire et me crie ce n’est rien, un éclat de grenade sur le nez . Je l’embrasse sur les deux joues en le félicitant. LAURELLE est tué, continue-t-il, à l’assaut du blockhaus. Il a voulu m’accompagner. Nous sommes partis ensemble, moi avec une section par la pente sud-est, lui avec une autre par l’arête. Cela a bien marché jusqu’à mi-pente ; nous étions cachés par la fumée. Puis la pétarade a commencé ; les tirailleurs après un léger arrêt sont repartis ; je voyais LAURELLE, le révolver à la main, en tête de ma section de gauche. Nous grimpions toujours. A 30 mètres du blockhaus on a commencé à se balancer des grenades sur la g…Les deux sections convergeaient sur le sommet. A quelques mètres des allemands, au milieu de plusieurs éclatements, j’ai vu LAURELLE recevoir une grenade en plein corps et tomber. Moi-même je recevais un éclat dans la figure. Aveuglé par le sang, j’ai bondi sur le blockhaus sabre à la main, car j’avais juré que je tuerais mon premier allemand avec mon sabre. Je suis tombé de haut en bas sur l’officier qui commandait la résistance, sabre pointé. Eh bien, manque de pot, mon sabre s’est tordu. Sans l’adjudant NOUKOUM KONE qui me suivait et a abattu l’officier d’une balle de révolver, c’était moi qui y passait. Les tirailleurs ont liquidé les autres. Je ne suis pas encore allé à l’autre blockhaus, mais nos gars y sont.

Et le capitaine PIOZIN éclate de rire à nouveau.

Pauvre LAURELLE  ! il n’aura pas vécu son rêve bien longtemps, mais l’aura du moins réalisé avec plénitude. Je le reverrai quelques instants plus tard, face au ciel, la figure sereine et intacte, mais le côté à peu près emporté. Il n’aura pas souffert.

Maintenant la position est copieusement arrosée par l’artillerie et les mortiers allemands. Cela tombe même très dru, et bientôt à nouveau la cote 150 est dans la fumée.

HAUTEFEUILLE arrive et sa compagnie est prête à continuer. Mais nous sommes en grande avance sur l’horaire prévu. Je vais demander au Colonel BROSSET de faire cesser immédiatement le tir d’artillerie de la cote 136.

Je ne trouve pas ma liaison, ni le poste de T.S.F qui ne m’ont pas suivi. Sous le bombardement qui augmente d’intensité, je retourne au P.C de la 2e Compagnie pour y téléphoner. Le P.C est bouleversé et le téléphone a disparu. Je reviens à la cote 150, où la position devient intenable. Je fais lancer des fusées rouges, qui signifient en principe : allonger le tir. L’artillerie devra comprendre. Et je donne l’ordre à HAUTEFEUILLE d’attaquer le cote 136.

Il est 7 heures.

Dans la nuit du 11 au 12 mai, des éléments du BM 11, conduites par le capitaine MAGNY, effectuent un fructueux coup de main, enlevant et nettoyant un point d’appui dont les feux prenaient à revers la position conquise ;

Le 12, les nouvelles des autres fronts sont très bonnes. Les jours des armées de l’Axe en Afrique semblent comptés. Le matin quatre Polonais déserteurs signalent que les Allemands ont reçu l’ordre de tenir les positions jusqu’à l’achèvement complet des destructions. Trois Allemands se présentent avec des tracts britanniques comme sauf-conduit. D’autres prisonniers arrivent.

L’après-midi, la gauche de la 1e DFL est attaquée mais la tentative est brisée par un tir déclenché avec une rapidité et une précision remarquables par le régiment d’artillerie des F.F.L et l’artillerie britannique. Les tirs de l’ennemi s’arrêtent. Des prisonniers continuent à arriver. La nuit est calme. Les lignes sont si rapprochées que les patrouilles sont impossibles.

Le 13 mai, le jour même où l’on célèbre le 3e anniversaire du baptême du feu de la 13e Demi-Brigade de Légion étrangère, est un jour de victoire.

Toutes ces opérations, conduites sur un terrain difficile, sous des tirs d’artillerie et de mortiers très violents et contre un ennemi qui se défendait âprement, ont été exécutées avec méthode et audace. Italiens et Allemands laissent sur le terrain 300 tués et 300 prisonniers.

La Division, qui a 108 blessés dont 4 officiers, perd le médecin-capitaine BEON, le Capitaine LAURELLE, le lieutenant BERNARD, le sous-lieutenant LAMBLIN , tous tués en pleine action.

Le sous-lieutenant GUYARD, du BM 5 a été assassiné par un capitaine Allemand qui s’était déjà rendu.

Entourée de tous côtés, ébranlée par les attaques répétées des forces alliées, menacée de nouvelles attaques, la garnison de la position fortifiée axiste entre le ZAGHOUAN et la mer capitule sans conditions le 22 mai.

Sur le front de la 1e DFL, se rendent 12 000 officiers et 23 000 hommes de troupe, avec un matériel considérable. Il s’agit de l’état-major du 21e Corps italien, des Divisions jeunes fascistes, de la 164e Division allemande, puis de la D.M Ariete et de la 90e Division légère, vieilles connaissances de Bir-Hacheim.

La Bataille d’Afrique est terminée.

Le 14 mai, le général B.L MONTGOMERY adresse à ses troupes un message personnel :

Maintenant que la campagne d’Afrique est terminée, je voudrais vous dire, à vous tous, mes soldats, combien je suis fier de ce que vous avez fait. Avant la bataille d’Egypte, en octobre dernier, je disais qu’ensemble vous et moi, nous frappions ROMMEL et son armée et que nous l’expulserions d’Afrique du Nord.
Maintenant c’est fait. Toutes ces divisions ennemies bien connues que nous avons combattues et que nous avons poussées devant nous des centaines de milles sur la terre d’Afrique, depuis El Alamein jusqu’à Tunis, ont maintenant capitulé.​
Il n’y a pas eu de Dunkerque sur les cotes de Tunisie. La marine de Sa Majesté et la R.A.F ont veillé à ce que l’ennemi ne s’échappe pas. Tous ont été contraints de capituler.
La campagne s’est terminée pour l’ennemi par un grand désastre. Votre participation à l’expulsion complète et définitive de l’ennemi hors d’Afrique est au-dessus de tout éloge.
Comme le disait notre premier ministre à TRIPOLI, en février dernier, ce sera un grand honneur de pouvoir dire dans l’avenir : J’ai marché et j’ai combattu avec la VIIIe Armée ! .

Et le Général ALEXANDER, commandant le 18e Groupe d’armée fait diffuser un ordre du jour spécial :

Vous êtes les conquérants et les héros d’Afrique du Nord ! Le monde connaît votre victoire. L’histoire admirera vos actes. Les armées britanniques, françaises et américaines ont libéré ces pays des derniers envahisseurs allemands et italiens.

En ma qualité de commandant en chef, j’ajoute mon admiration et ma reconnaissance à celle des Nations Unies pour cette grande victoire qui passera dans l’histoire comme l’une des batailles décisives de tous les temps .

Le 20 mai, des éléments de la 1e D.F.L et des hommes de LECLERC participent fraternellement au grand défilé de la victoire, à Tunis.

*LA PENITENCE DE ZOUARA

Mais la joie des Français Libres de se retrouver en terre française et de renouer les liens amicaux avec les camarades de combat de l’Armée d’Afrique se transforme en amertume.
Une décision de l’état-major d’Alger leur interdit le séjour en TUNISIE et les rejette en TRIPOLITAINE, où ils vont passer les mois les plus chauds de l’été.

Maladresse, certes, dont les effets se feront sentir pendant longtemps entre Free Frenchs et Armée d’Afrique. ( cf. En savoir plus)
La zone de stationnement est à ZOUARA, à 100 kilomètres à l’ouest de TRIPOLI , en un endroit où l’on peut s’entraîner, mais où le temps ne manque pas pour méditer sur les étranges raisons qui peuvent expliquer la disgrâce de ceux dont la seule faute est d’avoir – victorieusement toujours- continué la lutte.

Peut-être faut-il voir là l’origine du particularisme que l’on a si longtemps reproché à la DFL.

Ce particularisme résulte de la blessure qu’éprouvèrent ces hommes, après avoir combattu pendant trois ans pour la libération de leur pays, en se voyant refoulés du premier sol français retrouvé.

Ce n’est qu’à partir du 1e septembre 1943 que la 1e DFL, commandée dès lors par le Général BROSSET, et les éléments qui constitueront la 2e DB reçoivent le droit de cité en Afrique du Nord.

Entre temps, le Général de Gaulle est arrivé à ALGER d’où il adresse aux F.F.L l’ordre du jour suivant :

Mes chers compagnons,

Depuis plus de trois ans vous avez poursuivi le combat pour la Patrie. Les évènements vous ont entièrement justifiés. La voix de la France a fini par l’emporter. Vous n’en aviez jamais douté.

L’unité française est désormais refaite. Tout ce qui reste de forces disponibles se trouve rassemblé pour marcher à l’ennemi. Un chef glorieux en a pris le commandement.
Heureux d’être réunis dans une seule armée, avec ceux dont vous avez été à l’avant-garde, vous resterez vous-mêmes, croisés avec la Croix de Lorraine, constitués en unités fraternelles et exemplaires et combattant au premier rang jusqu’à la victoire de la France.

Plus tard, le Pays aura encore besoin de votre ardeur et de votre enthousiasme pour l’immense travail de sa rénovation.

Pour moi, à qui vous avez accordé le plus grand honneur qu’un homme puisse connaître, celui d’être suivi volontairement dans l’effort et le sacrifice, je demeure au poste où je suis appelé à servir, liés à vous plus étroitement que jamais.

Vive la France.

*EN SAVOIR PLUS :

Continuez avec l’article du Général GARDET : la 1e DFL en Tunisie TAKROUNA : lisez le témoignage de Pierre de HAUTEFEUILLE paru en 1949 dans la Revue de la France Libre, sur le site de la Fondation de la France Libre Photothèque