*Larges extraits d’un article
écrit par BERNARD DEMOLINS
(…) cette bataille est aussi, pour ne pas dire surtout, une victoire stratégique dans cette guerre, qui eut un effet considérable, décisif devrais-je écrire, et peu commenté, bien qu’elle marque à elle seule, l’amorce du véritable tournant de la guerre 40-45.
C’est à partir de ce jour là et par ses conséquences, que les Alliés, ne nous y trompons pas, que les Britanniques verront une issue positive à cette guerre, à l’Ouest : la fin du rêve des forces de l’Axe, l’écroulement brutal de la mission de ROMMEL .
Reprenons les évènements en tâchant de les expliquer :
Un an avant, en 1941, le 8 juin, les forces anglo-françaises, ces dernières sous les ordres du Général LEGENTILHOMME, entrent au Liban et en Syrie pour libérer ce territoire de l’influence, on ne peut plus pernicieuse, des Allemands qui, avec l’accord de PETAIN, leur sert sinon de base arrière, du moins de « marche-pied » pour aider le soulèvement de l’Irak, sous tutelle anglaise, de l’Irak qui joue le jeu allemand pour s’affranchir de cette emprise : installation d’une base militaire allemande à NEIRAB, l’aérodrome d’ALEP, constitution d’une escale pour des centaines d’avions avec tout « l’avitaillement » nécessaire à des éléments en transit, envoi de trains entiers de carburants, de munitions, d’armement et de ravitaillement destinés à aider l’Irak et par la même occasion, à amoindrir la capacité de résistance de la SYRIE.
L’histoire n’a pas encore dit, mais devra mettre un jour en lumière le rôle de PETAIN.
La victoire contre les troupes de DENTZ , signée à Saint Jean d’Acre le 14 juillet 1941, le très gros des troupes « vichystes », abusées par son chef, retournent en Afrique du Nord. Lors du dernier convoi, fin août ou début septembre 1941, ne voit-on pas le commandant d’armes du transport de troupes, le colonel de cavalerie X, au moment où on larguait les amarres, s’emparer d’un porte-voix et hurler à ceux qui assistaient à ce départ, tristes, déçus, puis horrifiés : « oh, ne vous en faites pas, avant six mois, je reviendrai à la tête des blindés allemands ». Pauvre France !
Le Général savait qu’il fallait impérativement purger la Syrie et tout le Moyen-Orient de toute emprise allemande et de toutes faveurs à leur endroit. Pour lui, cette nécessité était inscrite dans l’Histoire depuis longtemps.
Dès le 1e juillet 1940, je me présentais au Général de Gaulle dont j’ignorais même le nom trois jours auparavant, annonçant comme carte de visite, que j’arrivais de Syrie. Introduit par le Lieutenant Louis Geoffroy Chodron de Courcel , son officier d’ordonnance, le Général, éminemment intéressé par ce seul fait, me posa nombre de questions sur le moral des troupes, leur comportement possible, la qualité de l’armement de mon unité, le 29e RTA… autant de questions auxquelles je ne pouvais apporter de réponse, vu mon grade de Caporal-chef, mais qui sous- tendaient un intérêt majeur dont je n’étais pas alors à même de soupçonner la portée.
S’avançant près d’une carte accrochée au mur et renseignée de tous côtés, j’eus droit à un cours de stratégie, lumineux, mais incroyable, le Général m’expliquant l’importance d’avoir à nos côtés, l’Afrique du Nord et la Syrie, car avant longtemps, les Allemands rompraient leur pacte de non-agression avec les Russes, pour accéder au pétrole dont ils auraient un cruel besoin, leur industrie synthétique ne pouvant suffir.
Ce sera l’échec, « comme pour Napoléon », me dit-il. C’est alors que d’un geste large, le Général, enveloppant la Méditerranée du Sud et orientale, m’expliqua que les Allemands ne pourront qu’envisager de contourner la Méditerranée par la Lybie, la Syrie et la Turquie (cette dernière trop heureuse de retoruver ses anciens alliés) pour arriver par le Sud, aux pétroles de … BAKOU ! Le pétrole, l’arme de la victoire.
(…) c’était là une vision qui me dépassait à l’époque, mais qui m’attacha de manière indéfectible, si c’était nécessaire, au Général, me faisant alors toucher la profondeur de sa pensée, réconfort pour nous tous qui, « coupés de la mère-patrie » avions pris « une reoute qui paraissait sans retour et qui se trouva, cependnat, être la route du retour ». Frais échappé de France, j’étais déjà passionné, mais à cet instant, je fus conquis.
Car, par la suite, les E.M de la France Libre ou de la 1e Brigade Française Libre, avec le Général KOENIG, étaient au courant du jeu stratégique qui se jouait sur le terrain, ce qui n’était sans doute, pas le cas pour tous les jeunes officiers dont j’étais, trop occupés par leur « quotidien ».
Force est donc pour Hitler, de « faire le tour » come l’avait entrevu le Général, dix huit mois plus tôt et nous voyons débarquer en Lybie l’Afrika Korps, avec un des plus brillants généraux de l’armée allemande, l’un des vainqueurs de la Bataille de France, le Général Erwin Rommel, qui a toute la confiance d’Hitler, pour soulager, avant l’heure, Von Paulus, pour entreprendre cettre croisade contemporaine du contournement de la Méditerranée, et du même coup, couper la route des Indes par l’occupation du Canal de Suez, et s’ouvrir la route du pétrole par la Syrie.
On mesure maintenant, l’importance vitale d’avoir réglé, un an plus tôt, ce douloureux problème de la Syrie. Rappelons nous comment la Tunisie fut ouverte, livrée aux allemands, comment des éléments importants de notre marine nationale furent lvrés, à Tunis, aux Allemands, par Pétain et ses sbires.
En effet, depuis un an, nous sommes en juin 1942, les Allemands se sont rués sur la Russie pour accéder aux pétroles et déjà s’essouflent , et déjà pointe ce qui sera la bataille de Stalingrad, où Von Paulus laissera le gros des armées et armements allemands.
Le choix, par le commandement allemand, du Général Rommel dans cette phase de la guerre est la preuve de l’importance majeure que pouvait attacher à cette opération d’E.M allemand et même Hitler en personne. L’offensive commence dès le début de 1942 et durera six mois.
Le répit donné à la VIIIe armée par la résistance de Bir Hakeim et, peut-être aussi, l’erreur tactique de Hitler et Mussolini d’avoir voulu à tout prix, éliminer un ennemi sur son flanc Sud, au lieu de foncer à toute vitesse sur l’Egypte, déjà prête à l’accueillir, permit aux Britanniques de se rétablir sur la position dite d’EL ALAMEIN, après avoir réussi à évacuer une part importante de ses services et de ses parcs !
Peut-être aussi l’Afrika Korps paya-t-il d’un prix très élevé cette résistance inattendue de Bir Hakeim : épuisement des troupes, pertes considérables de matériels, amenuisement des réserves de carburant…(et la capitulation de Stalingrad que la Luftwaffe, élément essentiel du Blitzkrieg, ne peut ravitailler, durement éprouvée qu’elle est par la réaction de la RAF au dessus de Bir Hakeim).
Le rappel de Rommel, malade, presqu’aussitôt l’arrêt des combats, démontre que l’E.M allemand était très conscient du désastre que représentaient ces deux semaines de résitance de la 1e Brigade Française Libre qui aboutit à l’arrêt de l’offensive de l’Akrika Korps. Les espoirs de pouvoir parvenir par le Sud aux sources du pétrole russe ou autres, Bakou, Mossoul, KirkouK voire Abada, s’évanouissaient dans les sables et, avec eux, tout l’intérêt d’avoir des entreprises au delà de la Méditerranée.
Ce sera le repli de l’Africa-Korps, non sans combats, sur la Tunisie, et la tentative d’évacuer ce qu’il reste de cet Africa-Korps avant d’être contraint à un un dur combat retardataire en Europe : ce sera le début de la fin de l’ère Hitlérienne, la campagne d’Italie, le Garigliano, le débarquement à Cavalaire, la prise de Toulon, la remontée victorieuse sur Lyon, les Vosges, l’Alsace et la défense de Strasbourg, en liaison avec la 2e DB, et enfin, l’Authion, la seonde partie de l’Odyssée de la 1e DFL.
Le plan allemand reposait, semble-t-il sur le regroupement en Syrie de deux armées : l’Africa-Korps d’une part et une armée venant du sud-ouest de l’Europe, ce qui explique sans doute la création d’une base militaire à ALEP, en Syrie, dès 1941.
Les plans allemands ne dataient pas de la veille et leur stratégie était bien structurée. Mais ceci est un autre problème, seulement cité ici pour mettre en évidence l’ampleur de la victoire stratégique qu’est la bataille de Bir Hakeim et ses conséquences décisives dans la conduite de la guerre.
Ne l’oublions jamais, la victoire de Bir Hakeim est avant tout, une victoire stratégique.
Bernard Demolins, Octobre 2002
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