*LA DIVISION DU TOUR DU MONDE,
extrait de Terre Magazine juillet 2007,
gracieusement envoyé par Mr Philippe BLANC, délégué France Libre pour l’Isère
Cet article est repris du Forum Livresdeguerre.net
A l’occasion du bicentenaire de la création du Train, Terre Information magazine a recueilli les témoignages de quelques-uns des plus glorieux anciens de cette arme : ceux qui, de 1940 à 1945, combattirent dans les rangs du Train Divisionnaire de la légendaire 1e Division Française Libre, les tringlots de la « Division du Tour du Monde »
En juillet 1940 à Londres, la seule unité constituée de l’armée française était la 13e demi-brigade de Légion étrangère. C’était ça le noyau de la France Libre. Quelques centaines d’étrangers, plus des petits morceaux d’unités dont une quinzaine de personnels du Train. Pour étoffer ces derniers, on a fait appel à nous, les jeunes volontaires civils évadés de France dont la plupart ne savait pas conduire. Ensuite, on a conduit partout ; d’abord en Erythrée, puis sur toutes les routes et les pistes de Tripoli au Levant jusqu’à Agadir au Maroc. Et plus loin encore !
Louis Herry avait 19 ans. Aujourd’hui, il en a 86 et il est encore émerveillé par l’aventure de la 1e compagnie du Train des Forces françaises libres. La compagnie deviendra la 101e compagnie auto, à laquelle se joindront les 102e, 103e et 105e compagnies, regroupées dans le 1e escadron du Train.
Christian Roy et Jean Renoux , alors âgés de 19 et 17 ans, étaient aussi parmi les premiers. M. Renoux dit à TM : Nous avons combattu ensemble pendant cinq ans. Nous étions des volontaires servant dans une indescriptible ambiance de camaraderie allant bien au-delà des grades. Et nous sommes restés des frères qui s’embrassent quand ils se retrouvent.
Enthousiasme et patriotisme étaient de rigueur dès le début : Quand le général de Gaulle est venu pour la première fois nous rencontrer à Londres fin juin 1940, nous étions quelques centaines de jeunes qui venaient de s’évader de France pour continuer la lutte. En le voyant, on a spontanément chanté la Marseillaise trois fois de suite , se souvient M. Roy . Le général nous a tout de suite dit que nous étions appelés à faire de très grands voyages , se remémore M. Renoux.
Pendant cinq ans, ils vont conduire et assurer la logistique de ce qui deviendra la 1e DFL sur les territoires suivants : Angleterre, Sierra Leone, Cameroun, Gabon, Congo, Oubangui, Tchad, Soudan, Erythrée, Egypte, Palestine, Transjordanie, Liban, Syrie, Libye, Tunisie, Algérie, Maroc, Italie et France. La 1e DFL a fait plus de 95 000 prisonniers mais a laissé 4 000 des siens dans 48 cimetières à travers l’Afrique, le Proche-Orient et l’Europe.
Son fait d’armes le plus connu, quand elle était encore la 1e Brigade française libre, fut en 1942 à Bir Hakeim en Libye aux ordres du général Koenig où le Train perd un dixième de ses effectifs. Parmi eux, le jeune conducteur Marcel Clech . Présumé tué, il est emmené dans un camp de prisonniers en Italie d’où il s’évade pour rejoindre son unité en France en 1944.
Quand à Bir Hakeim, un rayon de sa gloire renaissante est venu caresser le front sanglant de ses soldats, le monde a reconnu la France , déclara le général de Gaulle.
Le 14 juillet 1940, la petite force naissante de la France Libre, y compris les jeunes volontaires encore en civil, défilent devant la statue du maréchal Foch, vainqueur de la Grande Guerre, et devant le général de Gaulle et les Londoniens en délire. Les jeunes qui formeront la 1e compagnie du Train sont initialement affectés aux pelotons d’instruction destinés à la cavalerie motorisée. Mais les Anglais n’avaient plus d’automitrailleuses et on s’est aperçu que nous n’avions pas d’unités de transport. C’est toujours le même problème depuis Hannibal et ses éléphants. On ne fait pas la guerre sans transports , explique M. Roy.
Le Train de la 1e DFL sera commandé pendant presque toute la guerre par le lieutenant Jean-Pierre Dulau devenu capitaine puis commandant au fur et à mesure que grandit l’unité. Il est fait Compagnon de la Libération en 1945.
Le futur colonel Dulau écrit dans ses notes que les conducteurs se plaignaient d’être trop loin des combats. Avant l’attaque sur Keren en Erythrée, je vais voir le colonel Monclar. « Mon colonel, la compagnie est en ébullition, une petite révolution ; les conducteurs veulent absolument participer à la bataille. » Opposition de départ, grande discussion, insistance. Je reviens avec son accord pour la participation de 15 hommes que je désigne au hasard des bras levés. Quel enthousiasme à leur départ, quel enthousiasme à leur retour ! Leur contribution n’a évidement pas été déterminante mais le moral de l’unité, déjà très haut, atteint des sommets.
Dans le désert de Libye, face aux attaques aériennes contre les convois et les rencontres inopinées avec des véhicules ennemis, le capitaine Dulau crée une section de camionnettes d’escorte équipées de mitrailleuses jumelées de 13,2 mm.
Les avions nous évitaient car la 13,2 tirait des baltes grosses comme mon pouce , se souvient M. Roy . Mais le danger n’est pas qu’au combat. En Syrie, lors d’un ravitaillement, j’ai déboulé de nuit dans un ravin avec 2 000 titres d’essence dans le dos. J’ai été un peu blessé mais j’ai eu beaucoup de chance que le feu ne se déclare pas.
M. Renoux ajoute : Il y a eu des moments très durs tels qu ’en Italie sur les routes de montagne en hiver. Peu de jeunes savaient conduire avant-guerre. On a eu des cours sur le bateau vers l’Afrique puis au Cameroun. J’ai été tâché comme aide-conducteur sur des Bedford d’une tonne et demie et de trois tonnes. Un jour, on m’a dit : « Tiens voilà ton camion. » En 1943, pour me régulariser, on m’a donné le permis. Mais il n’y a jamais eu d’examen. Il faut dire qu’on avait déjà beaucoup roulé.
Après-guerre, Jean Renoux, l’apprenti pâtissier de 17 ans qui partit en Angleterre parce qu’il refusait la défaite de la France, est entré au service auto de la Sûreté nationale. Il terminera sa carrière dans la police comme inspecteur divisionnaire.
Bernard EDINGER
Photos : collections Dulau, Herry, Edinger
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