Bir Hakeim
Aride creuset
Ils ne sont rien,
Ils sont l’orgueil
L’orgueil de la France qui les regarde
Derrière eux, la honte, la révolte ;
Devant eux, autour d’eux, la mort
Ils habitent l’immensité
Leur faible voix porte au bout du monde.
Et parce qu’ils ont tout laissé,
Il ne reste d’eux
Qu’un son pur.
Le ciel du désert est brûlant
Ou glacé.
Le coeur du désert, sans pitié
Ils se battent pour l’espérance et pour l’eau
Contre l’enfer
Et contre eux-mêmes.
Ils ont planté leur courage
Dans le sable éventré.
Au creux des trous s’abrite
Leur fraternité
Ni l’acier, ni le feu ne sauront la détruire.
Ils ont ces yeux sans sommeil.
Ces gorges asséchées.
Cet épuisement.
Par les nuits les plus noires, comme un miracle
Ils attendent l’eau saumâtre des puits défendus
Et la lourde ration de leurs canons rageurs.
Chacun tient en sa main l’un des tronçons du glaive
Il le serre si fort que l’on pourrait sentir
Cogner les battements de son coeur
Il ne le lâchera pas.
Ils marchent depuis trop longtemps,
Ils ont tant aiguisé leur arme ;
Et les voici rendus à la frontière
De la confrontation.
Face à l’étranger qui pourrit leur substance
Et qu’il faut, pour survivre, extirper.
Ils sortiraient du cercle,
Ils défendraient le cercle,
Ils poursuivraient,
Ils contiendraient,
Ils détruiraient,
Ils tiendraient longtemps, longtemps encore
ils mourraient
Le combat mêlerait leurs rires et leurs douleurs
Ils auraient redonné un sens à leur valeur
La dernière nuit, quand ils sortirent
Le ciel brilla comme en plein jour.
Le feu était partout.
Il couvait sous leurs pieds, explosait, blessait, tuait :
Ils durent traverser
Cette hallucination,
Ce barrage de peur et de râles et de sang.
Marcher, marcher encore devant, avancer Chercher la voie, la sortie.
Chacun seul en soi-même
Responsable suprême.
Se sauver se sauver et sauver l’autre :
se sauver ou sauver l’autre ?
Ils sauvèrent l’honneur
Quand le jour se leva
La même brume les enveloppa
Ceux qui restaient, tombés,
Ceux qui marchaient encore.
Dans le désert
Au ras des flots de sable et de cailloux,
Le cimetière navigue
Apaisant.
Son équipage,
Cette poignée d’hommes, gisants,
N’a pas cessé de vivre
N’a pas cessé de dire.
Derrière les murs bas,
Lentement
Le soleil descend
Le temps s’est arrêté.
Il y avait une brise légère
Dans les plis des drapeaux ;
Et sur ces visages de frères,
Le sens du monde
Et dans le silence embué,
L’irrémédiable déchirure.
La terre s’est mise à tourner
Autour de nous :
C’était ici le noeud, le cceur, la source
C’était le centre exact et la définition.
Septembre 1972
Béatrice Mallet.
Fille d’Horace Mallet Compagnon de la Libération, tué à Bir Hakeim
Sortie de vive force de Bir Hakeim : 11 Juin 1942
Ce pèlerinage anniversaire : Juin 72.
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