*La sortie de Bir Hakeim
Par Robert Girodon
J’appartenais à la compagnie anti-car commandée par le Capitaine Jacquin . Sa compagnie anti-char était articulée en quatre sections à trois pièces, la 1e et 2e sections commandées par le Lieutenant Raoul Duval et le Lieutenant Bossard étant dotées de canons de 47 A/C, les 3e et 4e sections commandées par l’ Aspirant Malfettes et l’ Adjudant Doye étant dotées de canons de 75 mm sur pneus.
Au début, j’étais chef de pièce à la section Malfettes. J’ai pris la place du sous-officier adjoint en avril, le titulaire ayant été évacué pour subir une opération chirurgicale.
Pendant le siège, les motards de la compagnie ( Kaechlin et Vidal ) venaient nous avertir qu’il y avait du ravitaillement à chercher, travail qui incombait au sous-officier adjoint.
La compagnie était dispersée sur l’ensemble de la position. Les sections de 47 AC sur le front Sud en appui avec le BP et un bataillon de Légion. La section Doye avec le BM 2, la section Malfettes avec le 2e Bataillon de Légion.
Le soir, à la tombée de la nuit, les sous-officiers adjoints se retrouvaient au PC de la compagnie avec Liot et nous nous relations les événements de la journée. Il y avait là Lamy de la 2e section, Piquet de la 1e, Cinca de la 4e et moi-même.
Nous sommes le 10 juin à la tombée de la nuit, l’ Aspirant Malfettes revenant du PC de la compagnie nous annonce que l’on évacuait la position. Les ordres : sortie par la porte Sud après 1 km prendre l’Azimut 213 5, les Anglais nous attendaient à un point de ralliement avec des chars et des camions. Signal du point de regroupement : trois points lumineux
disposés en triangle. Le maximum de matériel est laissé sur place.
Dans le Fordson de liaison, nous embarquons à l’avant l’ Aspirant Malfettes et le chauffeur Causse , à l’arrière les hommes du Caporal Ploneis et moi à l’arrière près de la ridelle.
Nous partons pour rejoindre la porte Sud, à l’arrivée il y avait déjà de nombreux véhicules et des ambulances. Sur l’une d’elles, je remarque un blessé sur son brancard attaché au toit du véhicule. Il y régnait un désordre épouvantable, tous les véhicules de plaçaient pour s’élancer dans les meilleures conditions au moment du départ.
Je n’ai pas la notion de l’heure à partir de ce moment.
On demande de laisser passer les démineurs.
Puis un commandement plusieurs fois reporté : laisser passer les Bren Carrier .
Je les vois distinctement passer à quelques dizaines de mètres.
Tout d’un coup, comme mu par une poussée, il y a un rush vers l’avant, des véhicules s’accrochent, nous, nous passons sans encombre.
Mais dès la sortie de la passe, c’est un feu d’enfer qui nous accueille. La réaction allemande est très violente. Je peux le juger par les tirs des armes automatiques à balles traçantes.
Nous avons traversé cette fournaise sans encombre.
Après un kilomètre, Causse le chauffeur arrête son véhicule pour enlever du fil barbelé qui s’était enroulé autour de l’arbre de transmission. Un homme s’approche de nous et s’écrie :
Aidez-moi, je suis blessé . Je descend du véhicule et le fait monter à coté de moi.
À la faible lueur, je m’aperçois que c’était un capitaine anglais et qu’il était blessé à l’oeil.
La nuit se fait de plus en plus noire, le Fordson redémarre, nous essuyons toujours des tirs d’armes automatiques.
Dans le lointain, on aperçoit les trois points lumineux, signe de ralliement.
À l’arrivée, Causse arrête de nouveau son véhicule pour enlever le reste du fil barbelé qui est accroché à la voiture.
J’en profite pour amener le capitaine anglais à une ambulance qui est là, tout prêt du signal.
Un soldat de la 1e compagnie du BIM, me dit le Sergent Jouane , est tué. J’ai les archives de la compagnie et aussi le drapeau du BIM .
Au petit matin, nous avons formé un petit convoi, la brume se dissipait tout doucement, tout était calme comme s’il ne s’était rien passé.
De chaque camion, nous nous lacions des Hurrah , On est saufs, on les a eu .
Un officier anglais debout sur son pick-up faisait un comptage rapide des hommes qui avaient pu sortir de Bir Hakeim.
Par la suite, nous avons recherché à nous regrouper par unité. On se retrouve tous. Le Capitaine Jacquin , les Lieutenant Duval, Bossard, Malfettes : Doye a été tué. Nous apprenons la mort du Commandant Savey et nous décomptons les manquants.
Tous les passagers du Fordson doivent un grand merci à Malfettes pour son sens de l’orientation et au chauffeur Causse.
Puis, par petites étapes, nous repartons vers l’arrière, heureux de nous être sortis de cette fournaise. On rapporte que devant la difficulté de franchir le barrage et avant que les Bren carriers de l’ Aspirant Bellec interviennent, le Général Koenig se désespère. Les Bren passent et tout le convoi suit.
Il y a certes beaucoup de choses à raconter sur la sortie, surtout pour ceux sui sont sortis à pied et qui ont attaqué pour permettre au convoi de passer. Il y a cette sortie en plein jour de Casile et de Ringlé à la barbe des Allemands.
Il m’arrive encore d’y penser à cette sortie !
Nous devons remercier Dieu car après avoir été réarmés, nous avons repris le combat pour l’honneur de nos armes et la gloire de la France.
Source : L’encre – les carnets de Bir Hakeim 7e partie – janvier 2012-février 2013
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