*Résumé d’un épisode de la bataille de TOULON (Août 1944 ) à la demande de Georges Guliana pour transmission au Général Saint Hillier en 1994
Après le débarquement à Cavalaire, lors d’une patrouille sur les hauteurs d’Hyères, nous avons récupéré le poste émetteur-récepteur d’un observateur ennemi tué.
Nous avons ramené ce poste dans le camion dépannage où j’étais dépanneur. Un après-midi, je l’ai vérifié, réglé et, tout en dépannant un poste SCR 400 ou 420 (liaison artillerie), j’ai écouté le réseau allemand. D’origine alsacienne, je parle et écris couramment l’allemand et l’anglais.
J’ai réussi, par écoute, à reconstituer le réseau Richard IDA du Commandement ennemi de Toulon : Richard IDA, Richard Fritz, Richard Karl etc… Le poste de l’artillerie réparé, j’ai suivi le trafic entre l’avion d’observation français -pseudo Vautour- et le Capitaine commandant, une batterie qui faisait du tir de contre-batterie mais ne trouvait pas son objectif.
Ecoutant en même temps le poste allemand, dont l’Officier commandant rendait compte à ses supérieurs du mauvais réglage du tir français, j’ai pu donner les coordonnées exactes au Capitaine artilleur (Capitaine Dumont ou Dumas, ou un nom approchant) malgré une certaine hostilité du Piper-cub VAUTOUR qui voulait savoir qui rentrait dans son réseau, demande que je n’ai pu satisfaire évidemment.
Malgré une certaine mauvaise volonté du capitaine artilleur (fort compréhensible), il a tiré deux obus selon mes coordonnées, tir à la suite duquel l’officier allemand a demandé lui aussi un tir de contre-batterie disant, que les obus ennemis tombaient à 150 mètres à sa droite : » Die schweine schiessen 150 meter rechts vor uns »= les cochons tirent à 150 m devant nous à droite.
Reliaison avec le capitaine artilleur – de plus en plus renâclant- qui n’a consenti à sacrifier, sur ma demande pressante et l’assurance que ce serait confirmé par le 2e Bureau de la DFL, une salve sur les nouvelles donnes. Sitôt la salve arrivée, hurlement du Vautour : » C’est un vrai nid de fourmis » en même temps que le cri de rage du Commandant allemand : » Sie haben zwei geschutze getroffen « = ils ont touché deux pièces .
Confirmation de ma part au Capitaine français qui entamait un tir de destruction, et silence complet côté ennemi : PC hors d’usage. Peu de temps après cela, avec l’aide et les renseignements fournis par un capitaine du 2e Bureau -nom oublié- l’exploitation continuait avec une autre batterie qui tirait sur mes indications sur leurs propres positions.
Réglant un poste à nous sur la fréquence du Commandant allemand de Toulon (le Major WIDMANN) dès que celui-ci voulait émettre, dès l’apparition de sa porteuse, les ordres allemands passaient très mal, surtout que le major Widmann était enfermé dans son QG sans liaison directe.
Bref, le résultat, toujours avec les données fournies par le capitaine du 2e Bureau plus celles fournies par les autres émetteurs du réseau allemand qui ne savaient plus ce qui était vrai ou faux, le résultat fut une pagaille mémorable dans les liaisons ennemies. Cela dura près de deux jours et s’acheva bêtement quand un de nos hommes dans un moment d’:euphorie alcoolique, prit mon micro et beugla dedans : » bande de c…, vous n’avez encore rien compris « . Inutile de dire que ce fut la fin !
Heureusement, environ deux heures avant cela, j’avais lancé un ordre du jour, soi-disant au nom du Major Widmann, enjoignant aux troupes de la Wehrmacht placées sous ses ordres de se rendre pour éviter des pertes inutiles, toute retraite possible étant coupée par l’avance alliée. Le résultat fut plus d’un millier de prisonniers : les uns, parce qu’ils avaient cru ce que leur disait leur Major (ou supposé tel), les autres, heureux d’’avoir une raison ou une excuse pour se rendre.
J’eus, après la fin de cette histoire, une liaison radio, toujours avec les données du capitaine du 2e Bureau, avec le Major WIDEMANN .
Celui-ci, anti-nazi, avait eu ses deux fils tués en Russie Sur ma question : pourquoi il continuait à se battre, il eut cette réponse magnifique : » Ich bin ein deutocher offizier und werdle mein pflicht bis zum bitteren Snde tun. » : je suis un officier allemand et je ferai mon devoir jusqu’à sa triste (amère) fin.
En gros, voici l’histoire. Les principaux passages sont inscrits sur un livret allemand : le livret de l’Infanterie allemande auquel on avait pris le poste allemand.
Cette opération a été prise en compte par un Commandant interprète du QG 75. Ce dernier fut tué lors de la défense de Strasbourg en janvier 1945.
Personnellement j’eus droit à une citation à l’ordre de la division
Extrait de l’ordre général n°203 ( 7241 ST 42) signé par le Général Brosset, Commandant la DFL.
Ceci est un résumé portant sur les faits les plus marquants.
Georges GULIANA (surnommé Gregor) a assisté à toute cette opération
Gaston BRAUN
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Le site a changé mais, le témoignage de mon grand-père y est toujours présent. Merci.