Arrivée à Cercoux le 17 décembre au matin, la 7e Compagnie du BM 11, commandée par le Capitaine Delaunay, y cantonnera jusqu’au 26 décembre, jour du départ pour l’Alsace menacée par les conséquences de l’offensive de Von Rundstedt dans les Ardennes.
La veille du départ, un match de football oppose l’équipe de la 7e à celle du village : score nul, les protagonistes se réservant plutôt pour le bal et la soirée qui allaient suivre.
Le voyage retour se déroule dans les mêmes conditions que celui qui nous avait amené à Cercoux. Wagons à bestiaux, paille, froid, crasse, au point que le docteur Péry auquel je présente mon billet de logement le 17 aux aurores, me demande si je suis Martiniquais, ma couleur du jour et mon accent corse l’ayant amené à cette déduction.
Le 30 décembre, nous arrivons à Ortoncourt tout est gelé. Le 1e janvier, des camions viennent nous chercher et nous déposent dans la région d’ Epfig ; froid et boue. Ma section s’installe en avant de Sainte-Marguerite , en point d’appui.
Le lendemain, nous changeons d’emplacement pour nous porter dans un vignoble. Les ordres ne paraissent pas précis et nous changeons encore d’emplacement.
Je n’ai pas le souvenir d’avoir entendu des bruits de bataille dans la journée; la nuit, des « katchouka » envoient quelques salves, loin devant nous de fortes explosions. Il fait de plus en plus froid.
Le 5 janvier , ma Compagnie est dirigée sur Ostheim . Le trajet de jour se fait dans une région qui s’avère de plus en plus désertique au fur et à mesure que nous approchons la région d’Ostheim. Seuls quelques engins blindés, zébrés de peinture blanche, sont aperçus, montant la garde ça et là.
Après avoir attendu la nuit, nous rejoignons Ostheim à pied, l’itinéraire d’accès étant impraticable de jour du fait qu’entièrement aux vues de l’ennemi.
Nous tenons la partie de village bâtie sur la rive gauche de la Fecht, la rive droite étant tenue par les Allemands.
Les Américains que nous relevons sont pressés de s’en aller et les consignes sont vite passées. Devant l’impressionnant stock de mines antichars et antipersonnel que nous laisse l’élément que nous relevons, je m’enquiers de savoir s’ils ont posé des mines : réponse négative.
La rue qu’occupe ma section fait une centaine de mètres de long et aboutit à la Fecht sans possibilité d’accès à la rive en face.
J’installe ma section, prends la liaison avec celle de gauche, du Sous-Lieutenant Mochel, puis fait une petite reconnaissance de terrain sur notre droite, que je sais inoccupée jusqu’à la route par laquelle nous avons accédé au village.
Je pose une dizaine de mines antipersonnel dans le jardin qui borde la Fecht sur notre droite, les soldats Ryme, Fasquelle et un autre m’accompagnent.
Le lendemain, au lever du jour, je fais un tour d’horizon à la jumelle. Côté allemand, devant nous, de l’autre côté de la Fecht, à une centaine de mètres, quelques grandes bâtisses paraissent être à usage industriel, aucun signe d’activité.
Sur notre droite, en amont et le long des berges, des petites prairies et jardinets avec enclos.
Je ne tarde pas à voir les deux repères matérialisant le rideau de mines posées la veille et me rends compte qu’une fois de plus un saint à dû prier pour nous car, quelques mètres à peine après l’endroit où j’ai posé la dernière mine, camouflés dans une haie, je vois des emballages de mines M2 que les américains avaient probablement mises en place à partir de ce point.
Sur notre gauche, la rue principale et, dans l’axe de celle-ci, de l’autre côté de la rivière, un clocher à moitié démoli dans lequel, aux dires des américains, se trouvait une mitrailleuse « indestructible ».
Le fait est que dans les trois ou quatre nuits qui ont suivi et au cours desquelles se faisaient tous les mouvements, ravitaillement, relèves, etc., avant ceux-ci, à la tombée de la nuit, un char venait s’embosser dans l’axe de la rue, à l’entrée du village et tirait quelques obus en direction du clocher, entraînant en cela la riposte de l’artillerie allemande, essentiellement sur la rue principale et les arrières du village.
Dans la matinée, nous eûmes à résoudre le problème de l’eau dans les maisons que nous occupions, les pompes étant gelées.
Par la suite, reconnaissance sur un pâté de maisons inoccupées sur la gauche de la rue ; quelques-unes ont reçu des obus ; dans une cave, une bière avec son occupant : il ne risque pas de déranger avec le froid qu’il fait !
Dans un rez-de-chaussée, nous « libérons » une truie qui jaillit d’une chambre où elle a dû passer quelques jours car tout y est sens dessus-dessous. Elle file vers la rive de la Fecht sans que nous ayons eu le temps de canaliser son itinéraire.
Dans l’après-midi, je reviendrai mettre quelques mines A.P. dans les passages entre les maisons des bords de rive ; l’effectif de la section ne permet pas d’assurer autrement sa sécurité dans ce secteur.
A ma souvenance, les deux artilleries, la nôtre et celle des ennemis, ne manifestaient pas trop d’agressivité, si ce n’était à la tombée de la nuit.
Le lendemain de notre arrivée, nous avons fêté l’anniversaire d’un soldat de mon petit groupe de commandement ; il y avait un brouillard dense et nous nous trouvions dans une maison à l’entrée de notre petite rue.
Un chuintement et une fusée éclairante sort du brouillard pour étaler son petit parachute au milieu de la rue principale : elle est suivie de quelques autres envoyées par un mortier allemand et qui chuintent dans le voisinage sans que l’on puisse les voir.
Pour ne pas être en reste avec nos vis-à-vis, j’envoie quelques fusées éclairantes de l’autre côté de la Fecht à l’aide d’un fusil lance-grenades qui dispose aussi d’une dotation de fusées éclairantes.
Le jeu s’arrête là car l’artillerie allemande nous envoie plusieurs salves de 150 qui ne font pas de victimes mais mettent le feu à plusieurs maisons de la rue principale, notre propre artillerie arrosant longuement le secteur devant le clocher.
Je vais vérifier les mines A.P. dans les parages du pâté de maisons devant nous.
Une patrouille effectuée dans la nuit nous fait découvrir un SS de belle taille, tué probablement depuis quelques jours alors qu’il enjambait une clôture de séparation d’enclos ; il ressemblait à un crucifié.
Une deuxième patrouille y amenait peu après le benjamin de la section, le soldat B., qui n’avait pas dix-huit ans et qui, la nuit, avait des terreurs.
Voilà en gros les quelques faits qui sont restés dans ma mémoire pendant ces deux ou trois jours passés dans un secteur particulièrement exposé où seule l’artillerie allemande nous a maintenus en haleine.
Nous sommes relevés dans la nuit du 7 au 8 janvier par les américains . Passage de consignes ; je leur laisse un croquis des éléments de mines posées.
Trajet à pied, bien plus de 30 km pour arriver à Sand que nous atteignons un peu avant midi.
Nous sommes tous fatigués et le repas qui nous est servi est boudé par la plupart d’entre nous. Les hommes, cantonnés dans des maisons en deçà du pont de Sand, dorment.
Nous savons que nous devons nous tenir prêts à participer à une opération de désengagement du Bataillon de marche n°24 qui, depuis quelques jours, se trouve bloqué à Obenheim ; des chars doivent nous appuyer, une autre compagnie du BM 11 doit progresser à notre gauche. Je pense aux séances d’instruction de cadres à Nabeul et fait le rapprochement avec les « combat team » dont nous parlait le Commandant Langlois et les anciens du désert.
L’après-midi est bien entamée lorsque nous débouchons du pont de Sand et prenons aussitôt le dispositif propre à une progression en terrain nu et plat.
Je n’ai pas le souvenir d’avoir progressé longtemps avant que nous soyons sur le point d’aborder la lisière ouest d’un petit bois sur un front d’une centaine de mètres d’où partent de longues giclées de mitrailleuses.
La Compagnie réussit à atteindre la lisière – ma section est à gauche du dispositif – quelques TD nous rejoignent. On peut progresser à l’intérieur du bois où, apparemment, il n’y a pas de fantassins ennemis. Par contre, dès que les tanks destroyers nous ont rejoint, sans entrer dans le bois, des coups de canons de chars partent de notre gauche tirés à obus perforants, coupant et faisant sauter en l’air les arbres qu’ils percutaient. Les coups étaient tirés à l’estimation, à hauteur d’homme et parallèlement à la ligne de la lisière que nous occupions et à son intérieur. Je n’ai pas fait plus d’une trentaine de mètres sur la gauche que j’ai aperçu, dans un layon, un char allemand embossé, canon à l’horizontale.
Je suis reparti en arrière et ai été à un équipage de TD qui était contre notre lisière et à son extrémité droite, lui indiquant la position du char allemand et lui demandant d’essayer de faire comme lui.
A ce moment-là, nous avons reçu l’ordre de repli qui, à la faveur de la nuit qui tombait, a pu s’effectuer sans pertes, les chars allemands n’ayant, à aucun moment, cherché à déboucher, probablement parce que leur infanterie faisait défaut, comme elle allait le faire, mais d’une autre manière, le lendemain soir.
Tout ceci est un peu « pagailleux » du fait que ce que je restitue est une suite d’images fractionnées restées en ma mémoire.
Pendant l’action dans le bois, nous avons eu à déplorer la perte du jeune Escolle , pris au passage dans la région de Châteaurenard et qui était, je crois, à la section du Sous-Lieutenant Mochel comme tireur au bazooka.
La nuit se passe à dormir, un peu, car souvent réveillé, pour assurer le service et la répercussion des ordres reçus.
Un peu avant minuit, je reçois les ordres délivrés sous forme de message écrit : « 8 janvier 1945 :
le Bataillon attaque demain à 8h30 – mise en place du dispositif pour 8h – les sections devront donc être prêtes pour 7h30″ .
Aux aurores, contrairement à la veille ou après avoir franchi le pont de Sand, nous avions progressé de part et d’autre de la route conduisant à Obenheim, nous tournons tout de suite à droite, vers EHL.
Après un à gauche, la 7e Compagnie prend son axe de progression vers l’Est entre les routes Sand, Obenheim et Benfeld, Herbsheim.
II y a de la neige dans les parties du terrain qui sont nues ; moins dans les parties boisées. Ma section aborde la lisière d’un petit bois. Nous marquons l’arrêt à notre arrivée à la lisière opposée. Observation : devant nous, un terrain nu et enneigé; à deux ou trois cents mètres, des bois qui paraissent assez profonds.
De la lisière d’en face débouche un groupe d’une dizaine d’hommes tout de blanc vêtus. Ils progressent à petite distance les uns des autres et viennent vers nous. Je donne l’ordre de ne pas tirer, d’autant plus que ces hommes ont l’air de progresser en toute tranquillité. Je me porte vers la gauche de notre dispositif pour donner la même consigne et alors que je reviens vers mon emplacement, un fusil mitrailleur ouvre le feu. Je me projette sur la lisière, la patrouille allemande s’est déjà évanouie. Aucune tache ne demeure sur la neige.
Un gradé, venant d’ailleurs, s’étant porté à la lisière et découvrant la patrouille, avait donné l’ordre d’ouverture du feu au tireur au FM. Je suis outré.
Un quart d’heure après, nous recevons un matraquage d’artillerie qui fait un tué et plusieurs blessés dont un, le Sergent-chef Gilbert Zerbib , grièvement : un gros éclat provenant d’un obus éclaté à une vingtaine de mètres derrière nous lui arrachera une partie des fesses. C’est sa deuxième blessure, la première ayant été reçue après la prise de Lomontot au moment où il me transmettait les ordres du Capitaine Sockel pour l’installation sur l’objectif conquis : un obus de 88 éclatant pas loin de nous lui avait arraché une côte dans la région du coeur, le couchant à mes pieds. Le temps d’aller chercher des tirailleurs et de revenir pour mettre son corps à l’abri, Zerbib avait disparu, évanoui tout seul. Moins de deux mois après, il était de nouveau parmi nous. Il finira Adjudant à l’Etat-Major Centre Europe en 1949 à Vienne et par la suite disparaîtra dans la nature.
Nous avons, avec la Compagnie, 2 TD et un Sherman. Nous allons d’une lisière à une autre, harcelés par quelques tirs d’artillerie pour, finalement, nous retrouver sur la route qui de Sand mène à Obenheim.
Nous progressons de part et d’autre de la route, certains, dont moi-même, progressant sur la route même. Tout est calme autour de nous si ce n’est une mitrailleuse sur notre gauche qui tire de courtes rafales sur un piper qui survole le bois que nous sommes sur le point de dépasser sur la gauche. J’attends le Lieutenant Magendie et lorsqu’il arrive à ma hauteur je lui dis que l’arme qui tire sur le piper est une arme de bord d’un char et que je crains qu’on laisse des chars derrière nous.
Le tir cesse bientôt et nous continuons notre progression. Nous occupons la lisière du bois Pfifferwald sur une centaine de mètres de part et d’autre de la route. Nos chars nous ont rejoints et un arrêt est marqué. Une jeep de la Compagnie nous rejoint avec des munitions et même un peu de courrier.
Accompagné de deux ou trois hommes, je continue un peu sur la route à l’intérieur du bois. En ligne droite, je vois à plus d’un kilomètre un véhicule qui ressemble à un half-track ou à un scout-car, deux ou trois hommes dont un semble faire des signaux avec ses bras.
Je reviens en arrière pour signaler ce que j’ai vu et, au moment où nous allons arriver à la lisière où la Compagnie est arrêtée, un matraquage d’une durée de quatre ou cinq minutes est effectué surtout sur le bois côté droit de la route.
Je fais quelques pas à l’intérieur du bois avant que n’arrive la première volée et plonge dans une petite déclivité. Après les premières explosions, je m’aperçois que je suis couché sur un équipement allemand plein de sang. Je cherche aussitôt une autre protection.
Le tir d’artillerie levé, des chars ennemis débouchent, à notre gauche, de la corne extrême du Pfïfferwald et des lisières suivantes.
Un de nos chars flambe aussitôt, les autres se replient vers Sand. Les chars allemands, dispersés, prenant la même direction. Ils ne se sont pas occupés de nous. La nuit tombe dans un calme relatif. Notre Capitaine convoque les chefs de section, nous dit que la liaison avec le bataillon est rompue. N’ayant pas d’ordre de repli, il nous demande de nous installer en carré dans la partie sud du bois, côté droit de la route. Chaque chef de section donne son avis. Le mien : nos hommes n’ont pas d’outils, aucune possibilité de s’enterrer. Si des ordres n’arrivent pas, à l’aube, nous serons détruits à peu de frais.
Le Capitaine Delaunay donne l’ordre de repli et me demande de prendre la tête.
Colonne par un, ma section démarre derrière moi. Je suis le côté gauche de la route vers Sand . La neige aidant, il y a suffisamment de visibilité jusqu’à une vingtaine de mètres.
Nous n’avons pas fait quatre cent mètres que deux chars allemands progressant à une vingtaine de mètres à droite de la route arrivent à notre hauteur. Nous sommes couchés à touche-touche dans le caniveau longeant la route qui nous sépare des chars.
Les deux blindés tirent quelques rafales de mitrailleuses devant eux, s’arrêtent, tirent encore. On entend l’équipage parler à la radio, dans le ronronnement des moteurs. Vus d’en bas, je les vois paraître plus hauts que longs. Ils redémarrent pas loin l’un de l’autre et s’en vont tout droit.
J’oblique sur le gauche et m’éloigne progressivement de la route, n’ayant pas envie de retrouver ces mastodondes que nous craignions beaucoup et qui, un laps de temps, avaient provoqué de ma part beaucoup plus de curiosité que de crainte.
Toute la section trottine derrière moi, colonne par un, les hommes collés.
Nous arrivons dans une petite clairière où se trouvent deux mortiers de 81 en batterie. J’organise la récupération des pièces, ce qui n’enchante pas les hommes. Nous prendrons seulement les tubes.
Je me rends compte, à partir de là, que la compagnie ne suit plus.
Peu de temps après, nous arrivons au bord de l’Ill . Mon intention est de franchir à Benfeld , pensant que le pont de Sand est, pour le moins, sous le feu des chars allemands. Je ne sais cependant pas si j’ai atteint l’Ill au sud ou au nord de Benfeld et quelle direction suivre, amont ou aval. Nous descendons sur la berge. L’eau est gelée, mais faiblement.
Je reprends la progression, contre l’accotement et vers l’amont… et me retrouve à touche-touche avec un guerrier casqué. Américain ? Allemand ?… pistolet au poing. J’ai bien moi-même une carabine qui se croise, à l’horizontale, avec son pistolet. Quelques hommes derrière lui et j’en devine d’autres. Je dis : » Vous êtes Français ? » A ce moment-là, mon vis-à-vis lève la main gauche qu’il baisse et relève comme un signe d’apaisement et commence à faire demi-tour, au ralenti, comme s’il ne voulait faire aucun bruit ; et ceux que je vois et devine derrière lui font la même chose. Ce sont des allemands. J’attends de ne plus les voir et remonte en haut de la berge.
Je crois que l’homme d’en face avait pensé que s’il y avait eu ouverture du feu, étant donné son dispositif, ses hommes auraient tiré droit devant eux, le terrain n’offrant qu’un ou deux mètres de dispersion frontale et qu’ils se seraient fusillés mutuellement. Il s’est avéré qu’en une fraction de seconde, j’ai pensé la même chose pour nous et je savais que nos jeunes, s’ils avaient du courage à revendre, faisaient leurs classes au fil du temps et des occasions. Jusque-là, nous avons réussi, sans pertes, et en ayant des résultats, à nous tirer de pas mal de traquenards.
Suivant, cette fois, la direction du nord, nous tombons peu après sur une équipe comportant des gens du génie et du BIM qui aidaient un de nos chars en un passage difficile.
Nous rejoignons Benfeld sans autres difficultés et ma section est chargée d’occuper un château dans une île à la lisière de Benfeld. Il doit être 21 heures, pas de nouvelles de la Compagnie.
J’installe un poste de guet renforcé à un angle du parc et la section prend position aux différents niveaux du château . Repos.
Au lever du jour, nous sommes en butte à des tirs de harcèlement de l’artillerie allemande, le parc et le château. Je fais replier le poste de guet
Dans la nuit, j’ai mangé, froids, des escargots de Bourgogne en conserve. J’ai de forts maux de tête. Un obus éclate dans un couloir du château. Le Sergent Angelo Galante est blessé à la poitrine. Deuxième blessure, la première, par balle, ayant été reçue aux combats livrés à Tonnerre par le maquis « Rouget de l’Ile » commandé alors par le Lieutenant Jean Magendie , notre officier adjoint de Compagnie. Galante nous rejoindra de nouveau à la fin des combats d’Alsace.
En fin de journée, nous rejoignons Matzenheim où la Compagnie est regroupée. Les sections Sous-Lieutenant Mochel et Sous-Lieutenant Lambert sont envoyées en avant-postes, Osthouse et Wuerth , je crois. La première section est regroupée dans l’école de Matzenheim . Il fait très froid. Tout est gelé, dans l’après-midi ( du 11 janvier ).
Une noria de chasseurs bombardiers Thunderbolt opère dans la région d’ Obenheim . Je crois me rappeler qu’à mon niveau nous ne savions pas si Obenheim tenait encore.
A signaler que dans la nuit du 9 janvier, un blessé de la 7e Compagnie n’ayant pu être évacué et laissé sur le terrain, le Lieutenant Magendie avec deux ou trois volontaires, parmi lesquels le soldat Paracini, de retour à Sand , étaient repartis sur les lieux et ont mené à bien cette récupération. Absence de l’infanterie allemande qui avait suivi un peu au début la progression de ses chars mais s’était vite ravisée.
A signaler aussi que des chars allemands étaient restés masqués par le petit bois à 200 m devant le pont de Sand . L’un d’entre eux s’étant présenté devant le pont avait fait demi-tour après avoir vu de nombreuses mines antichars disposées sur son arche (celles-ci n’étaient pas amorcées). Renseignement Sergent J. Gabrielli, section de pionniers du BM 11.
De Matzenheim , nous partons la nuit avec ma section poser des mines antichar sur une route entre Haeusern et Woerth . Il faut creuser les emplacements dans la glace. Ce travail est pénible mais sans danger du fait qu’il n’y a pas de piégeage à faire.
Aux sections en avant-poste le Sergent-chef Lavoine saute sur une mine anti-personnel qu’il était en train de poser. Un bras fracassé si je me souviens bien.
La même chose m’arrivera le 23 février à Rhinau alors que nous montions la garde au Rhin que nous espérions franchir. Amorçant une mine A.P. que je venais de placer, ayant enlevé la goupille, au moment du desserrage de la vis qui enlevait la deuxième sécurité, la mine a dépoté, est montée en passant à quelques centimètres de ma figure, me projetant la terre de camouflage, et est retombée sans exploser.
Le 16 janvier dans la nuit, le Sergent Frémont, de ma section, en train de poser des mines à Woerth , est blessé par une grenade à manche venant de la rive d’en face, la rivière ayant là une largeur d’une trentaine de mètres.
La plupart de nos nuits sont employées à ce type d’occupation et à quelques patrouilles. Le jour, repos, entretien et tâches diverses.
Le 19 janvier, nous sommes relevés par des tirailleurs nord-africains. Mon seul regret, certainement partagé par le reste de la section, c’est de leur laisser notre cantonnement (école et logement de l’instituteur) avec un cellier bien achalandé en vin et victuailles, conserves « maison », et demeuré intact jusqu’à notre départ, malgré la tentation permanente qu’il provoquait en nous.
Nous allons cantonner à Ribeauvillé et, le 22 janvier, nous sommes à Guémar où je crois me rappeler que nous avons passé la nuit du 21 au 22.
Vu le reflux d’une unité américaine venant de la région d’Ostheim et qui était un peu en débandade, un Lieutenant dentiste américain ayant quelques instants quitté sa jeep constatait à son retour la disparition d’une partie de son matériel. Ses supplications, voisines des larmes, pour qu’on le lui rende ont laissé insensibles les voleurs. Ce n’est qu’à la fin de la guerre que j’ai eu connaissance des coupables et du numéro de leur section. Je les ai oubliés depuis. Les coffrets volés ne contenaient que des prothèses et de fausses dents.
Dans la journée, nous entamons notre progression sur l ’axe Guémar Ilhaeusern pour une semaine de combats qui compteront parmi les plus sanglants que le BM 11 ait eu à livrer depuis le débarquement de Provence.
Louis CRUCIANI du BM 11
*En savoir plus
- Louis Cruciani – Les combats de Provence
- Louis Cruciani – Rétrospective de la Campagne d’Italie
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