*Une histoire parmi tant d’autres : MA SORTIE DE BIR-HACHEIM
par Lucien BONNOUVRIER (3e Bie)
40 ans après, certains souvenirs sont toujours présents dans ma mémoire. Je ne voudrais pas ternir la mémoire des disparus, loin de là, j’en garde un profond respect. Mais il y a un fait que je ne pourrai jamais oublier, et pour lequel j’apporte une précision réelle. Cette triste sortie de Bir Hakim, qu’on le veuille ou non, je n’en ai tiré aucun laurier ni galon, mais j’en garderai la fierté jusqu’à ma mort.
Moi, le râleur de la 3e Bie, chauffeur de caissons, ce souvenir, personne ne pourra me l’enlever.
Le tracteur de la pièce de Michel GORLIN étant hors d’état de marche, l’ordre me fut donné d’aller le récupérer près d’une position du BIM ; ne sachant pas l’endroit exact, je demandais que St JALMES m’accompagne, mais il me fut répondu : Débrouilles-toi tout seul .
Après avoir tourné plus d’une heure dans la nuit noire, sans en trouver, je fis demi-tour, et me retrouvais près de la colonne formée prête à partir.
Tous les hommes paraissaient excités ; j’ai appris par la suite que le Capitaine GUFFLET avait été tué.
Je fus accueilli par ces mots : D’où sors-tu ? Cela fait plus d’une heure qu’on te cherche, tu vas avoir de mes nouvelles après la sortie. 10 jours de tôle te feront du bien
puis quelqu’un a dit : ce n’est pas le moment de crier on m’a accroché la fameuse pièce de 75 de Michel GORLIN, et fait monter les servants dans mon tracteur.
Michel GORLIN voulant rester en tête du convoi, a permuté avec le Brigadier-Chef d’un autre tracteur, et ce dernier est venu me rejoindre.
Dans l’attente du départ, une demi-heure plus tard, deux servants seront blessés par une balle de mitrailleuse pulvérisant la glace de ma portière avant droite ; nous avons tous eu très peur.
Nous avons roulé toute la nuit ; pendant le passage du champ de mines j’ai fait monter dans mon tracteur le chauffeur d’un camion de la 5e Batterie dont le véhicule était tombé en panne.
C’est une A.M. anglaise en patrouille qui, au petit matin, nous a orienté afin de déposer nos deux blessés. Arrivés dans un poste anglais et après avoir déposé nos blessés dans une ambulance anglaise, il nous fut servi un quart de thé.
Là, nous avons retrouvé une dizaine de véhicules, avec des soldats de tous les Régiments, ainsi que la voiture du Général KŒNIG et son chauffeur.
Dans l’après-midi, une A.M. de commandement venue du point de ralliement, nous donna l’ordre de former un convoi, et nous sommes tous repartis rejoindre les rescapés de la Division.
Le soir, je retrouvais donc l’A.M. de la 3e Batterie, la pièce de 75 fût dételée de mon tracteur et accrochée à l’A.M. du Capitaine GUFFLET (qui avait été tué comme dit ci-dessus).
Le brigadier-chef a repris possession de son tracteur, les deux servants qui restaient montèrent dans un autre camion.
Je me retrouvais seul avec mon tracteur, comme si rien ne s’était passé. Trois jours plus tard, nous étions au repos.
Publié dans L’Artilleur de la D.F.L n°4 septembre 1984
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