II s’agit du canon de 75 modèle 1897 dont le centenaire était commémoré au mois de décembre 1996, lors d’une exposition organisée par le Service Historique de l’Armée de Terre au Château de Vincennes, près de Paris.
De nombreux camarades, parmi nos grands anciens, ont eu l’occasion de servir un de ces nombreux modèles, soit avant 1939, soit pen dant la campagne de France ou de Norvège 1939-40, enfin en Afrique avant la dotation du régiment en matériel anglais. Cette exposition était consacrée à l’élaboration, la fabrication et à l’évolution de ce canon légendaire qui a équipé une grande partie de l’artillerie française depuis sa mise en service en 1898 jusqu’en 1962, où il fut encore utilisé en Algérie à quelques exemplaires.
Rappelons pour les non-utilisateurs que la grande nouveauté de ce matériel résidait dans le frein oléo-pneumatique qui réunissait l’affût au tube, n absorbait le recul de ce dernier et assurait sa remise en batterie sans dépointage de la pièce. Ce qui permettait une cadence de tir rapide de projectiles encartouchés explosifs ou fusants, et plaçait l’artillerie de campagne française à l’un des premiers rangs mondiaux, dès l’année 1900.
Jusqu’en 1943, il a armé en France et aux Colonies, les régiments d’artillerie légère dite montée , dont l’élément de base, la pièce , comprenait une voiture canon et une voi ture caisson attelées chacune de six chevaux conduits par paire par trois canonniers conducteurs , et dont les avant-train portaient chacun trois canonniers servants ; elle était commandée par un maréchal des logis assisté d’un brigadier responsable des attelages, tous deux montés sur des chevaux de selle troupe .
On avait adapté le 75 :
- pour le tir contre avion : sur châssis automobile dès 1913, puis sur remorque tractée, ou sur plate-forme fixe ;
- pour la guerre en montagne : un canon fabriqué par Schneider (modèle 1914-1928) fractionné en 7 éléments portés à dos de mulet, tirait les munitions de 75 modèle 97
- pour les chars de combat, appelés alors artillerie spéciale dont il constituait l’armement principal des premiers chars Schneider et Saint-Chamond en 1917 ;
- pour l’armement des ouvrages fortifiés dès 1905 par des modèles sous casemates ou tourelles à éclipse.
Dès 1915 et jusqu’en 1940, on avait constamment amélioré la mobilité du modèle de campagne : création de régiments portés sur camion plateforme, avec ou sans tracteur agricole, remplacement de la traction hippomobile par des tracteurs automobiles semi-chenilles type PI2 ou à roues multiples type Laffly par exemple, remplacement des roues en bois des canons et caissons par des roues à pneumatiques de différents modèles ou, à défaut, par l’adjonction de train rouleur : ensembles de petites roues placées sous les grandes pour se substituer à elles.
Dès 1918, la section technique de l’artillerie avait conçu et expérimenté des bouches à feu de 75 montées sur affûts chenilles adaptés du char léger Renault FT 17 ou de Caterpillars américains, malheureusement sans aboutir à sortir en série un automoteur en 1939. Afin d’améliorer la stabilité de la pièce et son champ de tir horizontal en 1933, on avait monté la bouche à feu sur un affût biflèche (75 modèle 1897/33), ou équipé le modèle initial de la plateforme Arbell modèle 1935, qui assurait un champ de tir à 360 , mais annulait sa mobilité.
Le 75 modèle 97 a été employé comme anti char pendant la Campagne de France, puis dans les campagnes de la DFL en Afrique après modification des pièces en Syrie et dont une d’entre elles est exposée à l’Hôtel des Invalides à Paris. Les Allemands utilisèrent les pièces prises après l’armistice de 1940 pour les transformer en anti-char : PAK 97/38 et 97/40, sur affût biflèche et roues à bandage.
Il faudrait parler des perfectionnements apportés aux modèles de fusées, de projectiles, aux méthodes de tir et d’observation pour augmenter la portée, la précision et l’efficacité des tirs depuis 1898 jusqu’en 1945.
Le canon de 75 modèle 1897 dans les différentes versions avait été fabriqué par les arse naux de l’État et par l’industrie privée pour équiper les armées françaises, mais aussi beau coup d’armées étrangères, dont celle des USA qui l’adopta en 1917 pour constituer son artille rie de campagne inexistante à son entrée en guerre.
Le 75 a été popularisé avant, pendant et après la guerre 1914-1918, par toute une littérature de vulgarisation, par la carte postale, les planches à découper et les jouets pour enfants, et encore actuellement par les maquettes et figurines à assembler et à peindre. Une abondante bibliographie historique et technique lui a été consacrée ; elle s’accroît encore de nos jours par les ouvrages et articles de revues publiés à l’occasion de son centenaire.
Le modeste bulletin des artilleurs du 1e RA de la DFL se devait lui aussi de rappeler à la mémoire, le souvenir de ce vieux serviteur que les plus anciens d’entre eux avaient utilisé, souvent avec brio, comme à Bir-Hakeim par exemple.
Claude BARROT
L’Artilleur de la DFL n°34 octobre 1997
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