*TEMOIGNAGE DU GENERAL DE CORPS D’ARMEE GARDET
Le 31 mai 1959 l’amicale de la 1e DFL inaugurait le du débarquement de la division de Cavalaire le 16 août 1944.
Invité à cette glorieuse cérémonie, je pouvais y assister entre deux escales aériennes à Marseille.
Avant de communier officiellement avec nos camarades dans le souvenir de l’épisode le plus émouvant de notre France, j’ai refait en pensée le périple épique de la 1e DFL Je me suis souvenu de nos peines et de nos espoirs, tout au long de la dure route jalonnée par tant de tombes de nos camarades blancs et noirs.
16 août 1944 ! Rappelez-vous notre convoi glissant sur une mer sans ride, sous un ciel sans nuage.
La terre venait à nous ; l’angoisse de toucher au but espéré depuis quatre ans nous tenaillait jusqu’aux entrailles.
Pas un souffle, pas un bruit ; seulement dans l’ouest une brume dense qui se confondait avec le crépuscule naissant.
La 1e DFL alignait ses mille et mille calots bleus et képis blancs le long des bastingages. Doucement, la terre, notre terre de France, venait à nous. Les bateaux stoppèrent à quelques centaines de brasses du rivage tandis que le soir tombait. Nous débarquâmes après une vague alerte aérienne, dans la nuit noire, et notre angoisse qui était d’amour et de reconnaissance de cette terre si longtemps désirée fut apaisée au contact du sable tiède.
Les uns pleuraient, d’autres trempaient leurs mains dans ce sable, ou leur visage ; d’autres riaient nerveusement ou juraient sourdement, mais la plupart sortaient de l’eau en silence, et tous nous marchions déjà ; mais nous étions en France ; nous étions chez nous. Nous avions marché pendant quatre ans pour y arriver. Et la division avec à sa tête notre glorieux Brosset, alla s’endormir dans les vignobles de la Croix Valmer.
31 mai 1959 ! Le temps de ce dernier jour de mai était superbe. J’arrivais par la route des Maures et Cogolin au-dessus de la Croix vers 10 heures et m’arrêtais quelques instants précisément là où nous passâmes notre première nuit sur la douce terre de la patrie retrouvée. Puis je gagnais le lieu de la cérémonie. La foule des F.F.L. et particulièrement des anciens de la division et la population des environs rangés sur le bord de la route, face au monument, entouraient Mme Brosset, le général Kcenig et le général de Larminat.
Les Français Libres d’Algérie en particulier avaient délégué une représentation importante.
Les troupes, composées de deux détachements de marsouins, l’un blanc, l’autre noir, un détachement de Légion, un détachement de fusiliers marins, encadraient le monument. Les Associations d’Anciens Combattants déployaient leurs drapeaux de chaque côté.
Venant du cimetière de La Londe où il était allé déposer une gerbe, le Premier ministre, M. Debré arrive à 11h15 et après avoir salué les drapeaux des trois détachements, accompagné des généraux Koenig et Larminat et de Mme Brosset, découvre le monument, simple stèle de pierre sur laquelle sont sculptés l’insigne de la 1e DFL et une épitaphe qui rappelle en quelques lignes le débarquement de cette unité de Français libres de toute provenance et de toutes couleurs.
Sonnerie Aux Morts .
Le général KOENIG en tant que le plus ancien commandant de la division et à la place du général BROSSET à qui serait revenu cet honneur, s’il n’avait pas lui aussi pris la tête de la glorieuse cohorte de nos morts, va retracer sobrement cette première étape de la reconquête :
l’insouciante traversée Tarente-Côte de France ; l’angoissant et silencieux débarquement ; le dur contact avec l’ennemi à Hyères par la 4e brigade et au mont Redon où le BM 5 emportera la décision ; les combats d’approche vers Toulon, enfin la bataille finale à la Garde et au Thouar où les BM 4 et BM 5 rivalisèrent de courage ; il dit, en termes familiers et émus, ce qu’étaient » ces soldats de la 1e DFL ; il le dit avec toute la profonde connaissance des sentiments de fierté et de simplicité ces Free French dont il fut l’un des premiers, de leur fidélité inébranlable en leur chef prestigieux le général de Gaulle qui les sauva du déshonneur en 1940 en sauvant la France et qui vient de la sauver une seconde fois en 1958 en lui-redonnant sa foi en elle-même, de leur détermination de vaincre jusqu’à la victoire ou la mort. Il rappelle la définition du général de LARMINAT : Ils étaient une association d’amis… .
Et nous étions bien des amis, nous qui l’écoutions en songeant à nos misères passées, à la camaraderie intransigeante et parfois désespérée de nos combats.
Ces hommes que d’aucuns jaloux, honteux ou ignorants avaient qualifiés longtemps de voyous indisciplinés ou de vendus aux Anglais et qualifient parfois encore d’hurluberlus, remerciaient KOENIG de rappeler à la Nation que nous n’avions désiré ni gloire, ni pitié, ni décorations, ni fanfaronnades, mais seulement que nous avions fait notre devoir. Et dans leurs yeux, brillait la satisfaction que cela fut dit, en toute honnêteté, sur cette modeste route de la Croix Valmer face à la France et à la communauté.
Revue de la France Libre n°120 – Juillet – Août 1959
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