Après la dernière patrouille à Radicofani, nous prenons le chemin inverse, retour à. Viterbo, puis au Lac de Bolsena, où en lançant des grenades dans l’eau, nous récoltons pas mal de poissons, dont on se régale…
Nous quittons Bolsena pour Anzio, où nous embarquons à bord de bateaux US. qui nous « trimbalent fortement » et nous débarquons à Naples. Nous continuerons notre voyage en camions jusqu’à Albanova, où nous avions séjourné lors de notre arrivée en Italie. Nous y arrivons au milieu de la nuit et comme nous n’avions encore aucun paquetage, nous nous allongeons à même la terre et passerons le reste de la nuit « les yeux face aux étoiles »…
Le jour revenu, des camions nous apportent nos sacs marins bleus du Corps Expéditionnaire Français en Italie. Précipitations pour les retrouver, changer nos effets, les laver, ils en avaient bien besoin, nous aussi d’ailleurs !
Dans les jours suivants des ordres arrivent pour mettre la Compagnie aux normes US pour le débarquement que nous attendons tant : » EN FRANCE ! »
Les premières journées du mois de juillet 1944 s’écoulent, le 14 juillet 1944 est passé, nous sommes toujours sur place. Enfin, le 27 c’est le départ. En camions nous rejoindrons la gare d’Aversa, puis le train nous mènera à Tarente. Après un bref séjour dans un camp de transit, le 7 août, nous allons au port et embarquons à bord du paquebot hollandais » Volendam » affecté au transport de troupes.
Nous resterons six jours dans la rade de Tarente et, le 13 août, machines en avant… toutes ! Nous gagnons la haute mer…
Adieu l’Italie, ses paysages superbes, ses villes aux mille clochers, sa population, son vin… sa poussière aussi ! Mais surtout un « Au revoir » aux membres du 22e tombés sur cette terre, depuis notre premier mort en Italie : SEMPI Miloud (il était de ma section.), à tous les tués lors de ces combats d’Italie,
» dont ceux du Garigliano, où en quelques jours d’efforts, les drames furent encore plus nombreux-à l’extrême avant, et ceux qui les ont surmontés, en ont gardé l’empreinte. »
(Citation de M. le Médecin-Général HUGUENNOT, Chef du Service de Santé du Corps Expéditionnaire Français en Italie – 1943/1944).
En mer, deux jours se passent sur le » Volendam » et le 15 août 1944, nous apprenons par les hauts- parleurs du bord, qu’un UN DEBARQUEMENT A EU LIEU EN FRANCE SUR LES COTES DE PROVENCE ! Nous sommes fous de joie et très bientôt ce sera notre tour. On nous distribue des brassards tricolores et le moment arrive.
Le 17 août 1944, nous marchons sur la plage de La Croix-Valmer. Regroupement puis début de la phase d’exploitation. Cogolin, La Mole, La Londe-les-Maures, et ce sera le premier contact avec les » Fritz » en France, au Séminaire de la Castille d’où l’ennemi riposte fort.
Ici tombera notre premier mort en France, notre- camarade MABROUCK.
L’avance se poursuit, ce sera La Crau – où le curé nous embrasse, tant il est heureux de voir arriver des soldats français – Hyères, Carqueiranne, Le Cap Brun. L’ordre nous est donné d’aller au Pradet, mais à peine arrivés, il faut repartir à nouveau – toujours à pied – direction du nord. Poursuite par Solliès-Pont et Méounes, où nous nous arrêtons, bien fatigués par les kilomètres.
Nous y attendrons l’arrivée de véhicules amphibies, qui dès lors nous amènent vers le Rhône que nous traverserons avec ces véhicules ! On repart vers Remoulins, Uzès, puis la remontée de la rive droite du Rhône en traversant plusieurs villes et villages. Enfin nous arrivons à St-Bonnet-le-Froid qui porte bien son nom. Il est bien resté dans notre mémoire, car en cette fin du mois d’août, la nuit il y fait déjà très froid, et nous sommes vêtus en tenues de combats d’été. Dans la nuit nous serons heureux de nous enfouir dans le foin et la paille des greniers !
St-Bonnet-le-Froid sera laissé sans regret, nous passerons Ste-Foix-d‘Argentières et départ vers Lyon. Au petit matin de ce 3 septembre 1944, nous quitterons Tassin-la-Demi-Lune et nous entrerons dans la ville de Lyon, où la 4e Compagnie progressera, traversant la ville, en passant par le tout petit espace qui restait sur le Pont Wilson, direction la Préfecture du Rhône.
C’était le seul chemin praticable, tous les autres ponts ayant été détruits par les Fritz avant de se replier. Ils étaient – parait-il – une vingtaine seulement et la Résistance Lyonnaise n’avait rien fait pour les empêcher ?… Quarante-sept ans ont passé depuis et les anciens du 22e qui ont libéré cette ville de Lyon, n’en connaissent toujours pas la raison ?…
Pourtant, le jour même de notre arrivée, une fois que nous avons libéré la ville, cette Résistance se manifestait nombreuse, bruyante, et même dangereuse, car ces 3 et 4 septembre 1944, les rafales partaient de partout et dans toutes les directions !…
La 4e Compagnie est arrivée à la Préfecture où nous devons assurer la garde dans la cour. Nous sommes exténués et par moment pour se reposer un peu, on s’accroupit quelques instants pour se relever aussitôt. Tout à coup, une détonation claque : le Sergent BOU AMAR est à terre, mort instantanée, tué par une balle. Le tirailleur se trouvant derrière lui, a dû dans un bref instant de fatigue s’assoupir et, le doigt ou le choc de l’arme a fait partir la détente.
Le corps de BOU AMAR est emmené sur un brancard et le Capitaine NAUDET nous fait présenter les armes lors de son départ. Ce salut est impressionnant devant cette immense foule (venue nous manifester joie et gratitude.), qui assiste stupéfaite a ce fait bref et inattendu.
Le soir venu, nous allons passer la nuit à la Salle de la Mutualité près de la Guillotière.
Des miliciens « collabos » tirent encore depuis les combles de l’Hôtel Dieu, mais la riposte ne tarde pas et les Dalles de mitrailleuses font leur effet, le feu prend et une partie de la toiture de la façade s’effondre !…
Le 6 septembre 1944 nous quittons Lyon-ville pour Champagne-en-Mont-d’Or, et là, le tirailleur dont l’arme a tué BOU AMAR, tenaillé par la pression des autres tirailleurs et le remords (alors que c’était involontaire, dû à la fatigue), se jette sous une voiture qui passe. Il est emporté par une ambulance…
Dès notre arrivée en France, un bon nombre d’hommes – certains étant déjà des résistants – se sont engagés au 22e et je me souviens très bien de ceux qui ont été affectés à la 4e Compagnie. Nous continuerons tous ensemble les combats du 22e, jusqu’au jour où la « Baraka » nous abandonnera… pour un grand nombre d’entre nous…
Voilà pour aujourd’hui, j’arrête mon récit au 6 septembre 1944, que je finirai plus tard. Veuillez m’excuser de parler surtout de la 4e Compagnie, mais c’est celle à laquelle j’ai toujours appartenu depuis mon arrivée au 22e B.M.N.A. avec laquelle j’ai vécu tous les faits que je conte dans mes récits.
Tous les copains des autres Compagnies du 22e B.M.N.A. pourraient en écrire de même, car ceux de la 1e, de la 3e, de la Lourde et de la Compagnie de Commandement, ont tous accompli magnifiquement ce qui était demandé à la 1e D.F.L. et à ses unités.
Pour répondre à l’appel qui a été lancé pour participer à la vie de l’Amicale, ne pouvant le faire par ma présence lors des rassemblements, je le fais par ces écrits.
André CAZAUX, 22e B.M.N.A
Vae victis n°78 janvier 1992
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