*En souvenir du passage du Garigliano le 11 mai 1944
Nous avions quitté Albanova quelques avant le 11 mai. Nous sommes arrivés sur le front face à San Andréa, pendant quelques jours nous avons travaillé à la construction d’une piste vers le Garigliano. Un soir, le Lieutenant Gilles Maurice – père d’Alain, capitaine de A.S. Villeurbanne – nous a conduits ave toute sa section, la 3e, au bord du Gariglinano, il nous a expliqué que nous allions construire le jour du jour J une passerelle afin de faire passer de l’infanterie.
Dans la journée du 11 mai, j’avais eu un différend avec mon caporal. J’avais écopé de plusieurs jours de « tombeau ». J’avais creusé au et j’y avais mis toute mon énergie car il me servirait d’abri, nous redoutions les tirs d’artillerie. En fin d’après-midi, branle-bas et départ : c’était je jour J. J’ai quitté mon joli trou avec regret, je savais que l’heure de tous les dangers était arrivée.
A la tombée de la nuit et en silence, en route. Nous sommes arrivés à un endroit que nous avions visité quelques jours auparavant. Alors, chacun avec sa tâche, comme à l’exercice. Avec mes camarades et un caporal, nous devions traverser le Garigliano sur un canot que nous avions gonflé un instant avant. Cette tâche, nous l’avions demandée tous volontairement le jour de la reconnaissance.
Donc, avant l’heure H, nous voilà au bord du Garigliano, notre travail est de traverser sur le canot afin de tendre en travers du fleuve, un acier « une Sinquenelle » en terme Génie. Les barques devaient s’accrocher à ce câble au passage pour construire la passerelle.
Nous poussons le canot à l’eau, quatre sapeurs devaient pagayer, le cinquième tenir le bout du câble afin de l’emmener de l’autre côté. La force du courant ayant augmenté, à peine avons-nous parcouru quelques mètres, que nous avons commencé à dériver. Au tiers du parcours environ, des fusées éclairantes tirées des lignes allemandes -et le rayon d’un gros projecteur éclairent le lit-du fleuve. Nous avaient-ils repérés ?
Une pluie d’obus de mortier s’abattit, heureusement sans dégâts pour nous. Le courant devenait de plus en plus fort, nous progressions, mais nous avions dérivé. Le canot prenait l’eau car un obstacle l’avait percé. Les tirs des mortiers s’étaient allongés, ce qui nous facilita la tâche, mais l’infanterie qui attendait un peu plus loin les reçut à son tour avec dégâts.
Nous avons fini par atteindre la rive opposée, après de gros efforts, mais nous avions dérivé du point de fixation du câble. Enfin, nous sommes arrivés à le fixer solidement. De l’autre rive, ils ont commencé à tirer pour tendre le câble, vite, car l’heure avançait. Mais voilà ; ça ne marchait pas, le câble s’était accroché à un obstacle et il était impossible de le tendre à bras d’hommes. Un GMC fut approché et avec son treuil, il commença sa manœuvre, avec bruit, en fouettant l’eau, le câble se décrocha. L’amarrage ne fut qu’un jeu, la passerelle fut commencée.
Quant à nous cinq, de l’autre côté, l’ordre était de nous enterrer en position défensive, ce qui fut fait au plus vite, les mortiers ne nous avaient pas oubliés. Quelle heure était-il ? Je l’ignore, mais lorsque notre artillerie est entrée en action, c’était l’heure H. Nos camarades travaillaient comme un plein jour et les mortiers s’espacèrent.
La passerelle se termina et les fantassins traversèrent, c’était le 22e BMNA . Il avaient été très éprouvés par ces sales mortiers. Le passage terminé, il a fallu démonter la passerelle, il fallait construire à cet endroit un pont pour véhicules légers GMC et autres.
Dans la matinée, nous avons commencé la construction du pont, nous entendions la bataille toute proche. Nous avons appris à reconnaître le bruit de ce fameux FM allemand. Nous étions mouillés car il avait fallu entrer dans l’eau jusqu’à la ceinture, c’était le mois de mai, mais l’eau était glacée. Tout semblait bien marcher, à part quelques obus. La bataille continuait pas trop loin. Un officier est venu me chercher, c’était mon capitaine ou le lieutenant Gilles, je ne me rappelle plus.
Il fallait aller sur un plateau pour y faire du fumigène afin de camoufler les chars qui allaient s’engager dans la vallée, car les premiers avaient été détruits. Je m’y employais de mon mieux comme l’on m’avait expliqué et en moi-même je savais que c’était une tâche importante que l’on m’avait confiée. Le nuage se répandait bien dans la vallée. Un soldat américain m’est apparu et je ne comprenais rien à ses explications, j’ai vite compris, car c’est par caisses entières en même temps, qu’il faisait brûler les obus fumigènes. J’ai appris plus tard que le nuage étant trop épais, les chars avaient eu des problèmes pour trouver leur chemin. Dans la journée, une explosion s’est produite du côté de la construction du pont, un objet est tombé à quelques mètres de mon Américain et de moi-même : c’était le reste d’une roue d’un GMC qui venait de sauter sur une mine. J’ai appris plus tard que c’était mon chef de groupe, le Sergent FIGARELLI qui avait provoqué l’explosion de cette mine.
Une Tellermine piégée anti personnel « Saloperie de mine et piège à C… » comme on les appelait.
Les premiers prisonniers allemands que j’ai vus ce jour descendant vers l’arrière étaient jeunes et semblaient terrorisés. Je ne sais si c’était pas les tirs de l’Artillerie ou le Tirailleur qui les conduisait seul, mais le coupe- coupe dégainé à la main.
Dans la soirée nous nous sommes enterrés pour un moment de repos et ouvrir de ration, c’était plus bas que San Andrea, mais cette fois sur l’autre rive.
Dans la nuit, départ derrière les Bulldozers et KOT qui conduisait.
Après, ce fut San Appollinaire – San Giorgio, Pontecorvo – Pico… et la permission à Rome.
Ensuite j’ai été cité à l’ordre de la division à la prise de Torre Alfina, dans la journée, j’avais participé avec Dauphin Pantalacci à extraire un fusilier marin de son char en flammes, il venait d’être atteint par un obus juste derrière notre jeep.
C’était déjà le 15 juin 1944.
Jacques GIACOMETTI
1e Cie du 1e Bataillon
1e DFL 3e section
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