*BIR HACHEIM
Les adversaires, Afrika Korps et VIIIe Armée, à bout d’efforts, se sont arrêtés pour souffler, reconstituer leur potentiel, préparer de nouvelles offensives. Ils restent face à face sur la côte, autour d’Ain Gazala.
Puis leurs lignes divergent en un grand V, la branche italo-allemande vers Mechili, la britannique jusqu’à Bir Hacheim. Le no man’s land qui les sépare atteint une largeur de 150 à 200 kilomètres vers le Sud-Ouest.
Tenir des lignes continues sur de telles distances, en plein désert, n’est pas possible. Aussi la défense alliée s’articule-t-elle en un système de bastions successifs, plus ou moins éloignes les uns des autres, AIN GAZALA, SIDI MUFTAH, GOT EL OUALEB, BIR HACHEIM.
De leur côté, les formations ennemies s’échelonnent d’Ain Gazala à Rotonda Signali et Mechili.
Entre ces centres de résistance existent des vides d’une trentaine de kilomètres ; comment les contrôler ? Tout d’abord par des marais de mines, souvent très étendus, où des mines, très espacées, sont utilisées à raison de cinq au décamètre carré.
Cependant, de tels obstacles dormants, non battus par le feu, ne peuvent vraiment pas interdire le passage : il suffit aux démineurs d’assainir un couloir et le baliser : la voie est libre.
Une surveillance est donc nécessaire qui s’échelonne de la patrouille légère à la grande unité mobile.
Bir Hacheim. à l’extrême Sud du dispositif allié, en plein désert perméable aux mouvements les plus amples, constitue le point fort ; le môle de résistance sur lequel doit s’appuyer la manoeuvre future de la 8e Armée britannique. II faut le tenir coûte que coûte.
*PASSAGE DE CONSIGNES
Dans la grisaille d’un jour sans soleil et sur un terrain découvert à perte de vue, l’élément de reconnaissance du Bataillon prend contact avec l’unité à relever, un Bataillon de la 150e Brigade anglaise destiné à Got Oualeb. Il reconnaît les emplacements, les principaux P.C. et dirige les compagnies les unes après les autres, à deux heures d’intervalle, en formation diluée (danger aérien), vers le secteur à occuper : le Quartier Nord-Ouest.
Le Chef de Bataillon AMIEL part en tête, prend les consignes auprès de son collègue britannique, reconnaît la zone du P.C., en répartit les éléments, parcourt la position avec le Commandant de la Compagnie Lourde, met en place le plan de feu, rend visite aux Chefs de Bataillon voisins : 2 Bataillon de Légion Etrangère à l’Est ; le Bataillon du Pacifique au Sud ; le 3e Bataillon de Légion Etrangère et le Quartier Général au Centre – sans oublier l’Artillerie. Fusiliers-marins, Transmissions, Génie.
L’équipe de ravitaillement ( Lieutenant BECHTEL ) est scindée en ceux : un élément reste sur la position ; l’autre constitue l’échelon arrière, dit – Echelon B.
Il s’établit à une trentaine de kilomètres au Nord-Est, à BIR BU MAAFES vers EL ADEM, à mi-chemin de TOBROUK et de BIR EL GOBI.
*PRÉPARATION DE LA DÉFENSE
Le Quartier – du B.M. 2 (Chef de Bataillon AMIEL ). Revenons aux abords de la position. Le quartier à défendre, ce !ui du BM 2, présente en gros la forme du tir triangle dont le périmètre extérieur atteint 8 km (2,5 + 2,5). La base 3 500 km, la profondeur 2 500 km, au total 435 hectares environ. Chacune des trois compagnies de fusiliers voltigeurs contrôle un front de 1 500 m environ sur une profondeur de 5 à 600 m et défend un sous-quartier.
** S/Q 7e Compagnie (Capitaine CHEVILLOT).
Au Sud-Ouest, la 7e Compagnie, face à l’Ouest. Son point d’appui comporte 4 sections. Elle détache un poste d’écoute à i’extérieur et assure la liaison avec le Bataillon du Pacifique au Sud, la 6e Compagnie et la Compagnie Lourde au Nord.
** S/Q 6e Compagnie (Lieutenant TRAMON)
La 6 Compagnie constitue au Nord Ouest un point d’ appui entouré de champs ce mines défendu par 4 sections.
** S/Q 5e Compagnie (Lieutenant GABARD)
La 5e Compagnie, face au Nord, dispose des sections en liaison avec la Compagnie Wagner du 2 Bataillon de Légion.
** S/Q Compagnie Lourde (Capitaine LHUILLIER)
La Compagnie Lourde répartit ses canons (Lieutenant BAYROU) entre les unités mais organise aussi un point d’appui en retrait face aux mamelles entre 6 et 7, avec la section de pionniers, son P.C et un groupe de mortiers.
** P.C. B.M. 2 (Cdt AMIEL- Adjoint Capitaine FAURE)
Plus en arrière encore, à mi-chemin des compagnies, le PC du BM 2. son observatoire, le Poste de secours, le centre téléphonique, le groupe radio, celui du ravitaillement.
** Réserve (Sous-Lieutenant CONUS)
enfin, en échelon d’intervention arrière, le peloton des brenn carriers.
* L’armature anti-chars
Compte tenu des enseignements de la campagne de France 1940 et celles du Moyen-Orient, nous sommes persuadés que l’armature principale d’une position défensive dans un combat moderne réside dans son dispositif anti-chars : fossés et obstacles. Champs et marais de mines, artillerie puis, dans les cas désespérés, grenades et cocktails Molotov ; le tout recoupé par les feux d’Infanterie aux courtes et moyennes distances.
** Fosses et obstacles.
Pour commencer, pas question de fossés et obstacles : le manque de matériaux et la difficulté de creuser la roche excluant le procédé.
** Mines, champs et marais
Leurs champs forment un couloir d’une vingtaine de mètres de largeur placé à la périphérie de la position. Il entoure parfois entièrement certains points d’appui appelés a résister isolément. Dans ces champs généralement a dix rangs, les mines s’utilisent a raison ce 25 environ au décamètre carré.
Le dessin des champs et marais de mines a contribué à donner sur les plans et les cartes la physionomie bien caractéristique de la position de Bir Hacheim : un triangle, ou plutôt une rosace aux sommets constitués par les points d’appui fermés du BM 2, du BP 1 et du 2e BLE ; Celui du Pacifique englobe le Ridotto, le Fort, en réalité`quelques masures basses en ruines sans toit, ancien abri des méharistes italiens. Le fameux puits existe mais il est à sec depuis bien longtemps.
**Les Mamelles
Un autre point d’eau se trouve non loin, de la : celui des Mamelles dans le quartier du BM 2 à l’Ouest immédiat du point d’appui fermé tenu par la 6e. Deux buttes côte a côte s’arrondissent à quelques mètres au-dessus du terrain plat. Ce sont les déblais de deux citernes romaines, encore en parfait état mais vides. on en trouve quelques dizaines dans ce pays de Marmarique colonisé aux temps anciens.
** Les portes
Le cordon de mines n’est pas continu : des brèches et des couloirs y sort ménagés susceptibles d’être minés rapidement en cas ce besoin. Ce sont les portes. Par ces portes entrent patrouilles, liaisons, Jocks colonnes, convois sous l’œil attentif des postes de garde. En cas d’alerte le passage est rapidement miné.
Un simple fil de fer jalonne les bords des champs de mines renforcés à de rares endroits par un maigre réseau barbelé : une attaque en force de l’infanterie ne parait guère envisageable dans ce désert…
** Le – V -.
A l’extérieur, dans l’immensité du reg, s’étendent les marais de mines : l’un deux prend naissance en face des Mamelles et se poursuit jusqu’à Ain Gazala et la mer tandis qu’un autre, depuis la face Nord de la 5e Compagnie, file vers Acroma, leurs branches dessinent un immense V.
**Entonnoirs – pièges à chars.
Devant les faces Ouest, Sud et Est, des marais de dimensions plus modestes se combinent entre eux ou ceux du – V , pour ménager des zones libres en forme d’entonnoir, en vue d’y canaliser les attaques vers le point fort, bien pourvu en armes anti-chars.
Enfin, des mines anti-personnel sont placées en assez grand nombre dans les marais et champs de mines. Ces artifices n’empêchent pas le déminage ennemi : ils le compliquent seulement ou le retardent.
**Barrage des canons anti-chars
Toutes ces défenses – passives – seraient en effet très vite franchies si un puissant barrage d’artillerie anti-char n’était mis en place et servi par une troupe d’élite
Ce barrage général est uniquement constitue par des pièces de moyen calibre 47, 50, six pounders, 75. Celles de petit calibre, 25 ou two pounders, ne servent qu’à renforcer le dispositif avec des missions bien déterminées.
La défense anti-chars du BM 2 et celle des autres bataillons va s’exercer en profondeur : deux barrages forment des lignes distinctes.
Au BM 2, le premier comprend quinze pièces et le deuxième treize pièces, soit au total vingt huit canons.
**P.C. – BM 2
Le P C dispose naturellement d’un central téléphonique communiquant avec chaque compagnie, d’un poste ce radio. sur camionnette avec émetteur-récepteur et d’un poste d’ observation à mi-chemin entre le P.C du Bataillon et la 7e Compagnie.
Semaine après semaine se poursuivent – malgré l’insomnie, le paludisme, la dysenterie, les mouches et le vent de sable – l’organisation du terrain, la manipulation et l’entretien des armes ; les gardes, les quarts, patrouilles de surveillance de jour et de nuit. les postes de guet et les corvées de toute nature. Le manque de véritable exercice et de détente, engendrent un train-train quotidien, une monotonie d’autant plus lassante pour le corps et l’âme qu’elle s’exerce à travers un paysage désolé, où rien ne retient le regard, sur des êtres particulièrement dynamiques, avides d’action, dont la vocation reste le combat et l’impatience : la libération de leur pays.
Le 14 mars 1942, à midi, une escadrille allemande nous survole. La D.C.A. des fusiliers-marins atteint l’un des avions qui s’abat non loin du P.C. BM 2 Quelle chute ! Quelques débris, un bout d’aile à croix noire fument au sol. Un peu plus loin, la 6e Compagnie est bombardée, grenadée et mitraillée. Il n’y a, heureusement, que quatre blessés
*JOCKS COLONNES
Les jocks colonnes ont pour mission de harceler l’ennemi, obtenir des renseignements, faire des incursions dans les lignes adverses, tirer la sonnette d’alarme et combattre en retraite pour éviter toute surprise à la position de résistance. Mission passionnante, où l’initiative se donne libre cours et bien éloignée de la grise monotonie de la vie à Bir Hacheim.
Tandis que la position s’enterre, cuit dans son jus au soleil ou se glace la nuit, en attendant l’attaque, des unités sortent de leur repaire, recherchent l’adversaire, le harcèlent, s’infiltrent si possible dans son dispositif. le réveillent…
C’est la règle des raids motorisés, de ces – Jocks Colonnes – que la 1e BFL lance dans la nature quelques jours après son arrivée à Bir Hacheim.
Les Jocks -, comme nous les appelons familièrement, ont été créés par le Général britannique Jock Campbell ; elles reçoivent une zone d’action et opèrent en liaison entre elles.
Elles sont ordinairement composées d’anti-chars, d’artillerie de D.C.A., soutenus par de l’infanterie portée, coiffés par un P.C. muni de bonnes radios, d’ambulances, d’une liaison britannique.
Le 23 mars 1942, le Chef de Bataillon AMIEL, Commandant le BM 2, opère à la tête d’une jock à 50 km à l’ouest de Bir Hacheim.
5 avril 1942 : c’est le jour de Pâques, matin calme, troublé seulement par le survol de quelques avions italiens. Les souvenirs du temps heureux se mêlent aux mirages. Court retour sur soi-même bientôt dissipé par le danger resurgi : dans l’après-midi, l’ennemi s’établit en force à Rotonda Signali, dans le Nord, sur nos arrières ; puis l’Afrika Korps, excédé par l’action des jocks, sort de ses trous avec quelques 200 chars appuyés d’infanterie motorisée, gibier un peu gros pour le piège.
Le coup de balai refoule les colonnes légères et tente de les intercepter. Dans la journée, c’est un cache-cache sans espoir à la faveur de la nuit, le repli à la boussole dans un terrain difficile met à l’épreuve les unités.
Le 7 avril, le BM 2 est de nouveau au complet dans son quartier de Bir Hacheim.
Vers la mi-avril, il est question de relever la Brigade par des Sud-Africains, mais le projet est abandonné et le BM 2 reste. Le secteur parait d’ailleurs s’animer, la position subit de plus en plus fréquemment les politesses des Messerschmits et des Stukas.
Le 15 avril, sortie en force des chars allemands. Il parait que Rommel veut foncer soit directement à travers le champ de mines sur l’axe du Tingh Capuzzo, soit déborder Bir Hacheim par le Sud et pousser vers El Adem et Tobrouk, mais une fois de plus les blindés allemands disparaissent en arrière de Mechili.
* 1e D.F.L.
A la même époque, le Général de LARMINAT, Commandant les F.F.W.D., – Free French Forces in the Western Desert-, reçoit sa 2e Brigade enfin équipée (Général CAZAUD) : il installe son Q.G. aux environs de Bardia. La 1e DFL. est maintenant tout entière en Libye.
Le Général KOENIG devient Commandant de Bir Hacheim.
Le 12 mai 1942 , le BM 2 reçoit l’ordre de constituer une forte – jock – colonne qui relèvera celle du Lieutenant-Colonel AMILAKVARI, à 50 kilomètres à l’Ouest de Bir Hacheim.
Elle est commandée par le Commandant du BM 2., le Chef de Bataillon AMIEL.
Cette – jock – colonne sera constituée par des éléments de la Compagnie Lourde et de la 6e Compagnie, mais le 25 mai elle reçoit l’ordre de repli sur Bir Hacheim par le Général de LARMINAT qui commande la 1e DFL, et le 26 mai commence le combat en retrace sur la poussée de l’ennemi. Le lendemain, la jock colonne rentre à Bir Hacheim et ses éléments reprennent leur place dans le dispositif.
Les renseignements sur l’ennemi sont fort vagues si ce n’est qu’il a resserré depuis peu son dispositif et qu’en face de nous, à quinze kilomètres à peine, il occupe en force Rotonda Signali, carrefour de pistes toutes directions et la région assez ravinée d’El Telim, parsemée de touffes de paille et de buttes tabulaires Der Meriem et Garet Meriem.
*ATTAQUE DE LA DIVISION ARIETE
Le 26 mai, à 9 heures, une violente canonnade se déclenche dans le secteur Est de Bir Hacheim. Le quartier du 2e Bataillon de Légion se crible de langues de flamme qui proviennent des coups de départ dont le rythme s’accélère.
Aux jumelles, on aperçoit dans la plaine de nombreux chars ; ils roulent en ligne de bataille en direction de la porte est, de part et d’autre de la piste T., celle de BIR BU MAAFES . 50 chars de la Division Blindée italienne Ariete attaquent la position, canonnent et mitraillent à cadence rapide. L’artillerie et les antichars de la Légion en stoppent le plus grand nombre, le reste finit par sauter sur les mines.
Sans désemparer, une deuxième vague de 30 chars déborde les précédents, le combat se déroule presque à bout portant et six chars réussissent à pénétrer dans le point d’appui fermé Est et commencent à tournoyer à l’intérieur, crachant le feu de toutes parts.
Les 75 français pètent feu et flammes dans tous les azimuts et combattent victorieusement la furia de l’Ariete.
La 5e Compagnie du BM 2 elle-même se joint à la danse, elle prend à partie les chars, qui ayant contourné la position par le Nord, foncent dans sa direction.
A 10 heures, constatant son échec et ses lourdes pertes, l’ennemi rompt le combat. Il laisse sur place 32 chars M.13, dont 18 endommagés par les mines.
Après ce combat d’une rare violence, la Légion n’a que deux blessés légers, par contre les Italiens laissent de nombreux morts et blessés et 91 prisonniers dont le commandant de l’attaque.
Le reste de la journée s’écoule ensuite dans le calme ; quelques Messerschmitt 110 survolent la position, mais le fait le plus notable, c’est le mouvement des nombreuses formations ennemies qui contournent la position par le Sud-Est, certaines restent sur place et encerclent BIR HACHEIM sur trois côtés.
Dès le 28 mai, commence le grand ballet des patrouilles de sûreté, de reconnaissance et de contact auxquelles le BM 2 participe dans un secteur qui lui est attribué.
Le 29 mai, la canonnade reste intense aux alentours de Bir Hacheim, particulièrement au Nord.
Le 30 mai, une patrouille du BM 2 ramène un camion italien et six prisonniers.
La journée du 1e juin débute par une tempête de sable, mais elle apporte aussi un très grand espoir : depuis le 27 mai, la VIIIe Armée que ROMMEL a bousculée quelque peu dans la région d’ EL ADEM jusqu’aux abords de Bir Hacheim tient ferme, harcèle ses convois et contribue à colmater les brèches par lesquelles ils s’infiltrent.
Il a perdu de nombreux chars devant Bir Hacheim et KNIGTHSBRIDGE (cote 167 au Sud d’ ACROMA , à l’Ouest d’El Adem) ; le ravitaillement n’a pu suivre son avance. Le voilà réduit à la défensive devant un corps de bataille britannique encore puissant malgré ses revers.
Suivant le plan prévu et sans tarder, celui-ci prend l’offensive.
Un ordre parvient au Général KOENIG : Portez vous en avant !
Premier objectif : ROTONDA SIGNALI à mi-chemin d’ EL MECHILI .
C’est le Bataillon du Pacifique qui part en avant-garde dès 9 heures le 1e juin.
En attendant, sur Bir Hacheim dont les Unités se préparent à suivre, l’activité de l’aviation ennemie n’est pas moins virulente. A 11h50, un bombing-éclair détruit au BM 2, 5 camions, incendie un sanitaire, l’infirmerie est démolie, 6 tirailleurs blessés dont un grave. Un autre est tué, à quelques pas du Chef de Bataillon.
Le lendemain commençait notre encerclement définitif.
Le Bataillon du Pacifique , parvenu à ROTONDA SIGNALI, reçoit l’ordre de rentrer.
A midi, deux officiers italiens se présentent avec un drapeau blanc et sont conduits au Général KOENIG auquel ils proposent une reddition sans conditions.
Le Général KOENIG refuse et le combat est engagé.
Le 3 juin, dès le jour levé, le duel d’artillerie fait rage et peu après 8 heures, 12 bombardiers ennemis escortés de chasseurs, bombardent la position.
A la 7e Compagnie du BM 2, l’Adjudant DUPIN , est grièvement blessé et meurt aussitôt.
Bir Hacheim a pris désormais l’aspect qu’il gardera jusqu’au bout : chacun dans son trou, casqué ; personne sur le glacis balayé par les explosions, bientôt par les balles des mitrailleuses lourdes : seuls quelques agents de transmissions, quelques téléphonistes qui réparent les lignes, des brenns de liaison qui vont de PC en PC. Quand s’annonce par un puissant grondement l’arrivée des bombardiers ennemis, chacun s’enfonce pus encore si possible dans son trou ; les premières explosions retentissent, elles se rapprochent, la terre tremble…
Dès 8 heures du matin le 4 juin, le pilonnage des bombardiers ennemis recommence et se poursuit toute la journée. Il ressort des renseignements qui parviennent au P.C., que ROMMEL a engagé la bataille décisive au Nord de Bir Hacheim, dans la région de Sidi Muftah, Bir El Asiagh, Bir El Harmat, mais Bir Hacheim, est comme un pieu enfoncé profondément dans la chair du front allemand. Il faut à tout prix le détruire.
Le 6 juin dès l’aube, l’étreinte se resserre encore davantage autour de Bir Hacheim, principalement sur trois côtés de la position, au Nord, à l’Est et au Sud. L’Observatoire du BM 2 aperçoit distinctement la progression des fantassins allemands et à partir de 8h30, l’ennemi contrebat notre artillerie et arrose les positions.
Vers midi, le fracas redouble. C’est un tir de préparation tous calibres : 50, 88, 105, 210, suivi de l’assaut de vagues d’infanterie sur le BP 1, en direction du Fort ; une dizaine de chars et de canons mobiles l’accompagnent.
Nos tirs d’arrêt se déclenchent, mitrailleuses et fusils mitrailleurs crépitent, des 75 anti-chars stoppent les blindés.
De temps à autre, une légère pluie voile une situation déjà confuse. En certains points le premier échelon de l’attaque s’approche à 500 mètres de nos lignes.
La bataille se poursuit jusqu’à la tombée du jour ; l’ennemi s’accroche, tâte vers le Sud-Ouest devant le marais de mines à la charnière BP 1 – BM 2. Sans succès.
La nuit s’écoule lentement, agitée par l’activité des patrouilles de contre-déminage, principalement devant la 5e Compagnie du BM 2 et sa soeur du 2e de Légion.
Le 7 juin s’annonce comme une journée de préparation de part et d’autre.
L’ennemi installé devant le BP 1 et la 7e Compagnie du BM 2 ne semble pas très actif. Au long des heures, il pousse quelques pointes bien vite arrêtées, appuyées cepen dant par le concert des canons, des chars et des avions.
Malgré tout, au BM 2, une dernière fois, le Père MICHEL célèbre la messe du dimanche. Debout devant la ridelle arrière d’un camion à demi enterré, il reste imperturbable, isolé du monde extérieur tandis que quelques fidèles des environs immédiats, Noirs et Blancs, prient avec ferveur, prêts au plat ventre à la moindre alerte.
Le 8 juin , le bombardement recommence dès 8 heures du matin. A partir de ce jour et jusqu’à la fin, l’ennemi va porter son effort sur le Quartier du BM 2, principalement les secteurs des 5e et 6e Compagnies, le PC de la Compagnie Lourde et celui du Bataillon.
Avec de temps à autre de courtes accalmies, l’Artillerie de tous calibres, dans un fracas ininterrompu et infernal pilonne la position. Un grondement sourd s’amplifie : des formations de stukas virent au-dessus de nous pendant que s’élèvent de la première ligne d’infanterie ennemie prête â l’attaque des nuages de fumée violette qui la jalonnent. Les avions savent maintenant où frapper et, malgré notre D.C.A. qui s’essouffle de plus en plus, déversent vague après vague leurs bombes sifflantes, leurs chapelets de grenades, leur mitraille : c’est le tremblement de terre, une immense forge de fumées et de flammes auxquelles s’ajoutent des rafales de mitrailleuses lourdes ou rapides.
Les chars et l’infanterie ennemis en profitent pour déclencher leur attaque :
Cette fois, les pièces antichars crépitent. Les servants d armes automatiques lèvent le nez de leurs trous, prennent le temps d’ajuster, lâchent leurs rafales, beaucoup sont blessés, quelques-uns tués, mais l’attaque est repoussée.
Parmi les tués, le sergent-chef CALOMME , de la C.L ., le Sous-Lieutenant FRIONNET et l’Aspirant DARGENT , de la 6e Compagnie, le soldat CACHAT, de la 5e, tombés au cours d’actions héroïques.
Le 9 juin, au réveil, un épais brouillard recouvre la position, et une chaude journée commence.
Coup sur coup, peu après 8h et demie, 60 junkers 87 lâchent leurs bombes suivis d’une autre vague tandis que l’Artillerie allemande pitonne le Quartier du BM 2.
Peu avant 15 heures, renforçant leurs canons à terre, 60 Stukas déversent leurs projectiles sur la partie Nord-Est du BM 2, tandis que se dessinent deux attaques sur le BP 1 et la 7/BM 2, l’une au Sud, vers le BP 1 et la 7e compagnie ; les fantassins sont appuyés par des canons de 50 mm et 4 canons de 77 remorqués par des chars. Au BM 2, comme au Pacifique, le plan de feu entre en action, trois de nos Batteries déclenchent des tirs d’arrêt puis s’occupent du front de la 5 de nouveau menacé.
Sur le 5/BM 2, l’infanterie allemande soutenue par le feu de son artillerie, de ses chars, de ses A.M. et de ses mitrailleuses lourdes réussit à progresser à travers le champ de mines, quelques éléments prennent pied dans la position ; nos munitions d’artillerie s’épuisent, les batteries ne tirent plus qu’un coup par minute.
La 5e Compagnie du BM 2 est sérieusement isolée.
Une fois de plus, une magnifique contre-attaque de la Section de brenns-carriers rétablit la situation. Les engins blindés ennemis, fortement engagés se replient en laissant deux autos-mitrailleuses sur le terrain. Plusieurs mitrailleuses lourdes sont mises hors de combat. L’infanterie ennemie soumise au tir des armes automatiques de la 5e Compagnie et des brenns regagne ses emplacements de départ en subissant de lourdes pertes. Deux tirailleurs sont tués, deux autres blessés. A 17 heures, tout danger immé diat semble écarté dans cette direction.
Le Sergent-Chef BOURSAUD , de la CL., compte parmi les tués.
Le 10 juin, on s’attend à l’attaque générale, mais à 9h du matin, le silence est encore impressionnant.
Ce n’est que vers 13 heures que l’apocalypse commence, amorcé par les coups de massue de 130 avions en trois vagues. Sur ce, le pilonnage d’artillerie lourde repend les Sous-quartiers Nord du BM 2, suivi du rush de l’Infanterie appuyée par des chars Mark 111, IV et des autos mitrailleuses.
Ce qui reste du 1e Régiment d’Artillerie concentre ses tirs d’arrêt sur ce secteur.
L’attaque est encore muselée, prolongée jusqu’à 14h. par un gros marmitage.
Mais une heure plus tard l’attaque reprend, se précise et s’amplifie devant le BM 2 où l’infanterie ennemie s’accompagne de chars. L’un deux est détruit par un 75. puis la 6e Compagnie monte à la contre-attaque.
Vers la soirée l’attaque reprend sur le BM 2, toutes forces ennemies réunies. Les pièces anti-chars comme celles de l’artillerie tirent leurs derniers obus, mitrailleuses et F.M. comme jadis à Verdun, arrêtent tous les assauts.
Dans le Sous-Quartier Nord-Ouest, l’ Aspirant André WELLARD de la C.L, est tué auprès de l’un de ses 75. Le Lieutenant BAYROU, Commandant les anti-chars, est grièvement blessé, de même que le Sous-Lieutenant KOUDOUKOU, amputé sur place.
Ce n’est que très tard le soir que cessent les bombardements, Un grand calme s’abat tout à coup sur la position que nous ne reconnaissons plus, tant est grande sa désolation, lugubre son bouleversement.
« C’est ainsi que le 9 juin arrive aux postes de secours le sous-lieutenant Koudoukou du BM 2, avec un très gros fracas d’un membre inférieur. Que faire avec du matériel de fortune et l’emplacement du poste inutilisable ? Il restait cependant un trou individuel en état de nous recevoir.
Aidé par un adjudant-chef africain et l’infirmier Koyo, la jambe tenue par notre aumônier le père Michel… l’amputation est pratiquée, sans anesthésie – Koudoukou a un courage qui provoque l’admiration… seul le père Michel, encombré par cette jambe déchiquetée, n’a pu tenir le choc. » Docteur Pierre Mayolle, in : le service de santé dans les sables de Bir Hacheim
Puis vient l’ordre de sortie de vive force : un messager vient remettre au Commandant du BM 2 l’ordre général n°12 du Général KOENIG . Etabli en accord avec la VIIIe Armée dont le repli stratégique ne justifie plus le maintien de Bir Hacheim ; il dit en substance :
- La 1e Brigade sortira de vive force cette nuit de la position. Elle s’ouvrira un passage vers le Sud-Ouest, les armes à la main ; un faible détachement sera laissé pour tromper l’ennemi jusqu’à deux heures du matin ;
- La sortie s’effectuera par la porte du BP 1, au Sud-Est qui sera déminée et élargie – sauf le BP 1 qui sortira par la chicane à l’Est du Fort.
- Point de première destination : B. 837 marqué par trois lampes feux rouges.
Azimut magnétique : 213 30 .
Le BM 2 reçoit l’ordre de rester en place sur la position en arrière-garde. Il ne commencera son rassemblement qu’après minuit.
L’heure de sortie du BM 2 est fixée à 01h30, mais ce n’est que vers 3h30 qu’il peut attendre le couloir de sortie qui lui est désigné. Celui-ci long de trois cents mètres et large seulement de trois ou quatre, est obstrué sur toute sa longueur par des véhicules détruits.
Les suivants ont essayé de les contourner, ils ont sauté sur les mines.
L’intérieur est bourré de blessés dont les plaintes déchirantes serrent le cœur…
La première ligne de feu est établie par l’ennemi en bordure même des champs de mines qu’il bat en profondeur vers l’intérieur de la position. Il la renforce par des canons de la Flak . Balles et obus traceur se croisent en un réseau haIlucinant.
Cette sortie aura coûté la vie à l’ Adjudant MARTIN, à BERNARDINI .. au Caporal-Chef SPITZ et à de nombreux Tirailleurs.
Ce n’est donc que vers 4 heures du matin que les éléments à pied du BM 2 ont commencé à se dégager du terrible couloir ; ils ont franchi le premier barrage
Les colonnes serrées du départ se sont fractionnées en petits groupes, eux-mêmes dispersés par le tourbillon du mouvement et du feu.
Le deuxième barrage, à 1 kilomètre est franchi dans les mêmes conditions.
A 7 heures du matin, prés de 2 000 hommes sur les 3 300 sont déjà regroupés au carrefour de pistes de GASE SCIAHEBI. (424-348) à 70 km Sud-Est de Bir Hacheim, et le soir le chiffre des rescapés atteint 3 000 hommes.
14 juin 1942. Le Général KOENIG adresse son Ordre général n°1 à ses troupes.
Puis c’est le retour vers Egypte.
La Voie Balbia, avenue impériale des rêves mussoliniens, seule route goudronnée de toute la Lbye, longe la côte en une ligne droite impressionnante jusqu’à Alexandrie.
Deux double-files de véhicules alliés s’y croisent jour et nuit, l’une vers le front , l’autre vers l’Est. Impossible de dévier sous peine d’ensablement les véhicules sont comprimés sur les quelques métros de largeur de la chaussée.
Pour la 1e BFL c’est une retraite en bon ordre, sévèrement contrôlée par le Général KOENIG.
La 1e BFL est intégrée dans le dispositif de la VIIIe Armée, en retraite le long ce la côte, elle fait partie du 2e échelon, de l’arrière-garde. Nous refaisons en sens inverse les étapes de janvier dernier : de SIDI BARRANI à MARSA MATROUH, puis EL DABA le 18 juin.
Le repos des étapes sert à remettre de l’ordre dans les Unités, éprouvées à des degrés divers par les pertes au combat.
OFFICIERS, SOUS OFFICIERS ET HOMMES DE TROUPE
Total général : 487
Les pertes du Bataillon se chiffrent à 40% de son effectif.
C’est à EL ALAMEIN justement à 100 kilomètres d’Alexandrie, qu’après avoir occupé une succession de positions préparées à l’avance , MARSA MATROUH, FUKA, EL DABA , la 1e BFL de KOENIG s’installe défensivement une dernière fois entre la mer et la dépression aux sables mouvants d’ EL QUANTARA .
Le BM 2 passe les consignes, les cartes et le reste du matériel au Bataillon de marche n°5 le 27 juin et se retrouve sous la tente près d’ AMIRIYA à une vingtaine de kilomètre d’Alexandrie.
Le 2 juillet 1942 le Général KOENIG donne ses directives pour la remise en ordre des Unités en vue de reprendre le combat.
Le cas du BM 2 est particulier : il faut non seulement trouver des cadres européens susceptibles d’entraîner les noirs et les tirailleurs eux-mêmes ne peuvent être choisis de façon valable que dans leur pays.
En conséquence, il est décidé qu’après un séjour au Levant, le BM 2 sera dirigé sur l’Afrique Equatoriale Française.
Les tirailleurs y bénéficieront dans leurs villages d’un congé bien gagné ; puis le Bataillon reconstitué rejoindra la 1e Division Française Libre.
Quelques jours plus tard, le Bataillon, conduit par son Commandant, le chef de bataillon AMIEL , participe à une prise d’armes au cours de laquelle le Général KOENIG et le Lieutenant-Colonel AMILAKVARI sont faits Compagnons de la Libération.
Devant le front des Troupes, le Général de LARMINAT lit la belle citation à l’Ordre de l’Armée attribuée au BM 2 et qui comporte l’attribution de la Croix de la Libération et de la Croix de guerre avec palme.
Dans le vaste désert, une dernière fois, le BM 2 défile brillamment devant ses chefs et ses camarades de combat.
C’est son adieu à la 1e Brigade Française Libre.
Le 21 juillet à 6 heures, le Bataillon quitte les bords du Nil par chemin de fer.
A EL KANTARA, il franchit de nouveau le Canal de Suez et arrive à BEYROUTH le 22 juillet au début de l’après-midi.
Laisser un commentaire