Peu à peu, le 11 juin matin, les rescapés parviennent en groupes ou individuellement dans la zone de recueil. Chacun pourrait faire de cette nuit un récit hallucinant : la cohésion, le courage, la discipline l’auront emporté.
Le commandant AMIEL ne rejoindra que le 15. Durant la sortie, les lieutenants GABARD et BLANCHARD sont blessés, mais parviennent à rejoindre. Le lieutenant TARDREW sera capturé. Le BM 2 a perdu huit officiers et 254 sous-officiers et hommes de troupe, soit 40% de son effectif.
Du 11 au 15 juin, le capitaine CHEVILLOT assure le commandement du bataillon, le capitaine Lhuillier la compagnie lourde, l’aspirant MUFRAGGI la cinquième compagnie, le lieutenant SACHER la sixième compagnie, alors que la septième compagnie est dissoute.
Avec ceux de la brigade, les survivants du bataillon participent à l’arrière-garde de la huitième Armée, en retraite le long de la côte. Les Allemands prennent TOBROUK le 21.
Le 27 juin, le BM 5, unité de la 2e Brigade arrivée du Liban, relève le BM 2 qui bivouaque à l’ouest d’Alexandrie.
Installation à HELOUAN , au sud du Caire, le let juillet. Le bataillon est destiné à stationner au Liban, avant de repartir pour Bangui. Le 14 juillet 1942, il participe au Caire à une prise d’armes au cours de laquelle la foule fait un triomphe aux Français Libres.
Départ par voie ferrée le 21 juillet.
Le bataillon va assurer la souveraineté française au Liban . Installé dans la montagne, sur la route de Damas, il est inspecté par le Général de GAULLE le 12 août. Le général, qui s’est installé à BEYROUTH pour des raisons politiques, décore de la Croix de la Libération le fanion du BM 2 et le Commandant AMIEL . Au cours de cette cérémonie, le 29 août, des médailles militaires et des Croix de guerre sont remises par le Général LEGENTILHOMME .
Malheureusement, la joie des Français Libres est ternie par la perte d’un des leurs : la veille, le Lieutenant-Colonel de ROUX, ancien commandant du BM 2, a trouvé la mort.
Il venait spécialement pour la cérémonie et son avion s’est écrasé dans la montagne.
Le rapatriement du BM 2 devrait s’effectuer avant la fin de l’année : le Capitaine LHUILLIER part en précurseur pour Bangui le 6 novembre. Alors que le bataillon est installé autour de Beyrouth, une très mauvaise surprise l’attend. À la suite du débarquement anglais à Madagascar, le Général de GAULLE décide, le 10 décembre 1942, de marquer la souveraineté française sur l’île. Il y envoie le Général LEGENTILHOMME et le BM 2 à qui promesse est faite qu’il n’y restera qu’un minimum de temps.
Stationné sur le canal, à Port TEWFICK, dès le 5 janvier 1943, il attendra son embarquement jusqu’au 31 janvier. La traversée vers TAMATAVE, atteint le 20 février, permet d’expliquer aux cadres et à la troupe la nature de la mission qui les attend. Une grande prise d’armes à Tananarive le 25 février marque la reprise en mains par la France Libre de l’administration de Madagascar malgré quelques problèmes touchant les unités ayant mené campagne contre les Anglais.
Il faudra attendre le mois d’août 1943 pour que le BM 10, venu de Brazzaville, relève le BM 2.
Embarquement le 6 septembre à Tamatave à destination de DAR ES SALAM atteint le 11 septembre. Accueil cordial des autorités britanniques et départ par voie ferrée le 25 septembre à destination de KIGOMA, au bord du lac Tanganika, soit 900 kilomètres couverts en quatre jours. L’étape suivante amènera au Congo belge : Albertville, Stanleyville, enfin Bangassou en Oubangui le 15 octobre 1943 puis BANGUI le 19.
Dans la liesse générale, le BM 2 défile le 24 octobre dans la ville qu’il a quittée trois années plus tôt. On imagine les réjouissances des jours suivants qui précèdent le départ des tirailleurs, tous titulaires d’une permission de trente jours.
Ils retrouveront début décembre un BM 2 qui n’aspire qu’à une chose : repartir au combat pour la libération de la France. Manceuvres et exercices deviennent le lot commun. L’inspection du Général de GAULLE le 1e février 1944 annonce comme toujours un événement majeur : ce sera le départ pour la France.
Le bataillon quitte Bangui le 21 mars 1944. Utilisant successivement la voie fluviale, le train, puis la route.
Sous les ordres du Commandant Amiel, 946 hommes, soit 133 Européens et 813 Africains quittent à nouveau le pays pour libérer la France.
Articulés en une compagnie hors rang Capitaine BLANCHARD , une compagnie lourde Capitaine BAYROU cinquième compagnie Capitaine VALLI, sixième compagnie Capitaine TRAMON, septième compagnie Lieutenant REGNIER , ils vont stationner à MINDOULI jusqu’au 22 avril puis à POINTE-NOIRE où ils sont rejoints par le Lieutenant TARDREW, capturé à Bir Hakeim et évadé d’Italie en décembre 1943.
Après une période d’entraînement à POINTE-NOIRE , le bataillon embarque le 24 juillet à bord du Hoggar à destination de CASABLANCA . Le moral, très élevé, allait être sérieusement mis à l’épreuve dès le débarquement, terminé le 20 août 1944.
Dans son livre mémorial, le commandant AMIEL évoque l’inertie et l’indifférence rencontrées par les ex-FFL, comme on les appelle.
L’appui à Alger du Général INGOLD , directeur des Troupes coloniales, constituera leur seul soutien moral.
Départ de Casablanca par voie ferrée le 2 septembre pour s’installer en bivouac le 4 septembre au camp Chanzy à 35 kilomètres de SIDI-BEL-ABBES .
Grâce aux démarches du Commandant AMIEL, le BM 2 repart vers ORAN le 1e octobre et s’installe à MISSERGHIN .
Le 3 novembre , un détachement précurseur mené par le Capitaine BAYROU s’embarque pour Marseille.
Mais les choses traînent et le bataillon se retrouve le 11 décembre à RELIZANE où, compensation agréable, il est fort bien accueilli.
Fort heureusement, les démarches du Commandant AMIEL à Alger et du Capitaine BAYROU à Paris portent enfin leurs fruits. Un premier détachement aux ordres du Lieutenant MUFRAGGI embarque à ALGER le 11 janvier 1945, puis le gros du bataillon à ORAN le 15 janvier.
Enfin la France ! …
Accueilli par le Capitaine BAYROU , le bataillon, regroupé à SETE , continue par voie ferrée et débarque le 26 janvier à CHATEAUNEUF-SUR-CHARENTE , près d’Angoulême, affecté au secteur des Forces Françaises de l’Ouest.
A cette époque, des forces allemandes, s’appuyant sur les fortifications du mur de l’Atlantique, bloquent toujours les ports de Bordeaux, La Rochelle, Saint-Nazaire et Lorient, gênant fortement la logistique alliée.
Le Général de GAULLE donne au Général de LARMINAT la mission d’en finir avec ces poches.
D’abord à base d’unités FFI, ces forces de l’Ouest, devenues détachement d’Armée de l’Atlantique, seront peu à peu renforcées par des unités de combat provenant de la lère Armée.
La 1e DFL va même en faire partie. Partie des Vosges fin décembre 1944, elle devra à l’offensive des Ardennes du Général von Runstedt de rentrer au plus vite vers l’Alsace après seulement quelques jours de présence dans l’ouest ! Le BM 2 ne retrouvera que plus tard ses anciens compagnons d’armes.
À partir du 30 janvier 1945, il s’installe à l’ouest de la nationale Saintes-Bordeaux, réparti de Montpellier de MEDILLAN, à PLASSAC; il prend un quartier devant Royan avec un effectif de 760 hommes, soit 155 Européens et 605 Africains .
Alors qu’il a dû laisser son armement d’origine en Algérie. ses nouvelles dotations sont tellement insuffisantes que le Commandant AMIEL envole le lieutenant TARDREW à Alger pour récupérer des matériels. Durant cette période, le bataillon engage jour et nuit des actions de reconnaissance offensive qui permettent de préciser le dispositif adverse, ses mines et ses pièges.
Cent jeunes FFI originaires du Limousin sont affectés. Dix brenns carriers, trois canons de 75mm, d’autres armements et matériels complètent fort opportunément le BM 2, maintenant à l’effectif de 832.
L’attaque de ROYAN va pouvoir débuter : le PC se porte à MEURSAC et les opérations commencent le 14 avril, soutenues par des unités de la 2e DB du Général Leclerc.
L’artillerie et l’aviation ouvrent, les 14 et 15 avril, des brèches dans les défenses.
Aussitôt exploitées, elles permettent au bataillon de faire plus de cent prisonniers.
Le 15 avril au soir, la mission est remplie : DIDONNE et ROYAN conquis par le BM 2.
En dix heures de combats, il a perdu 23 tués et 84 blessés parmi lesquels des grands anciens de Bir Hakeim : le Capitaine BLANCHARD, l’Adjudant ZILLIOX, les Sergent-chefs SCHHOENBERGER et VALLERIN.
Le 17 avril, l’Amiral Michaellis signe la reddition et le 22 avril, le Général de GAULLE décore de la Légion d’Honneur le Commandant AMIEL et de la Croix de la Libération le Capitaine BAYROU.
A partir du 24 avril , le bataillon va participer à la réduction de la poche de LA ROCHELLE où le Kriegsmarine dispose de plus de 10 000 hommes. La mise en place va donner lieu à un incident cocasse : sur la route venant de Saintes, à hauteur du pont suspendu, le bataillon se présente devant le dispositif d’un régiment FFI dénommé Bir Hakeim .
Il prétend interdire le passage, armes à l’appui. Le Commandant AMIEL est obligé de négocier, non sans faire ressortir l’étrangeté qu’il y a à interdire le passage à la vraie unité de Bir Hakeim !
Le BM 2 cantonne à TONNAY CHARENTE jusqu’au 29 avril.
La même tactique que devant ROYAN , c’est-àdire reconnaissances offensives, va être utilisée avec succès. Les opérations démarrent le 1e mai. Connaissant bien le dispositif adverse, les préparations bien ciblées vont ménager les vies et les installations civiles.
L’Amiral Shirlitz capitule le 7 mai.
Des liens d’amitié se créent rapidement avec les populations de Royan, Saint-Christophe et Saint-Georges de Didonne, nouvelle zone de stationnement du bataillon. Municipalités et habitants se joignent à toutes les cérémonies, notamment au cimetière de RETAUD où reposent les 26 tués des derniers combats.
Le lieutenant-colonel AMIEL , récemment promu, doit encore intervenir pour éviter que le bataillon ne soit affecté au Levant, ce qui aurait posé d’insolubles problèmes de statut.
Ultime satisfaction, le 18 juin 1945, un détachement du BM 2 avec ses fanions portant une Croix de la Libération, deux Croix de guerre et une fourragère, défile sous l’arc de l’Étoile.
Le lieutenant-colonel AMIEL écrit : . .. Graves, recueillis, à la fois très seuls et rassemblés, les compagnons de l’épopée montent vers l’Arc, passent sous la voûte, près du tombeau de l’Inconnu. Dans le bleu et la gloire de cette matinée radieuse, le BM 2 est présent avec ses Vivants et ses Morts ….
Magnifique épilogue d’un chef à ses hommes, après une épopée de cinq années !
La mémoire de tels faits ne peut disparaître, attestée à jamais par :
- l’attribution à la cinquième compagnie d’une citation à l’ordre de l’Armée après les combats de Mayadine (Syrie), 20 octobre 1941 ;
- l’attribution au BM 2 de la Croix de la Libération et de la Croix de guerre avec palme. Décorations remises par le Général de Gaulle lui-même à Beyrouth le 29 août 1942 (décret du 9 septembre 1942).
Belle unité indigène constituée en Oubangui-Chari par le chef de bataillon de Roux dès le ralliement au combat des troupes de l’AEF. Sous le commandement de cet officier supérieur puis du chef de bataillon Amiel, encadrée par des militaires, fonctionnaires et colons de l’Oubangui, animés d’un esprit magnifique, a pris une part glorieuse à toutes les actions des Forces Françaises Libres dans le Moyen-Orient de mai 1941 à juin 1942. À Bir Hakeim, du 26 mai au 11 juin 1942, a défendu avec acharnement un des secteurs le plus violemment attaqué, a maintenu ses positions malgré des pertes très lourdes, a réussi finalement à percer les lignes ennemies et à ramener 60% de ses effectifs lorsque l’ordre de repli a été donné. Blancs et noirs de l’Dubangui, étroitement unis, ont donné dans la campagne 1941-1942 un bel exemple de patriotisme et de valeur militaire.
Signé Général de Gaulle.
- l’attribution au BM 2 d’une citation à l’ordre de l’Armée. Décret du Général de GAULLE du 29 octobre 1945 ;
- l’attribution au BM 2 de la Fourragère de la Croix de guerre 1939-45. BO du 26 octobre 1946 – décret du 18 septembre 1946.
Le BM 2 termina son passage en France à BERGERAC où il fut littéralement adopté ; sa dissolution intervient le 5 novembre 1945, alors que les derniers personnels ne retrouvèrent l’ Oubangui, et certains Madagascar, qu’au cours du premier trimestre 1946.
Bir Hakim…L’Authion n°201 Avril 2 006
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