Cette étude a été publiée sur le site du Musée de la Résistance azuréenne
*LES COMBAT DE LA 1e DIVISION MOTORISEE D’INFANTERIE (1e DFL) DANS LES ALPES EN 1945 : LE MASSIF DE L’AUTHION
par le lieutenant-colonel JEAN PERRIN, ancien de la 1e DFL.
**Un problème territorial
Les opération militaires menées par la Première Division Motorisée d’Infanterie, Division plus connue sous son appellation ancienne, de la Première Division Française Libre , ou plus simplement de la 1e DFL, au cours des mois de Mars, Avril et début Mai 1945, avaient pour objectif de reprendre aux troupes italo-allemandes le massif fortifié de l’Authion, investir le versant ouest des Alpes, puis éventuellement pénétrer au Piémont. Il paraît tout d’abord indispensable de bien restituer ces diverses opérations des Alpes dans leur contexte plus général ; d’une part, politique, d’autre part, militaire ; et pour cela, nous ferons appel tout d’abord, aux Mémoires de guerre du Général Charles de Gaulle, où nous pouvons lire : Notre gouvernement avait depuis longtemps fixé ses intentions en ce qui concerne la frontière des Alpes. Nous entendions porter à la crête même du massif, la limite de notre territoire, ce qui reviendrait à nous attribuer les quelques enclaves que les Italiens possédaient sur le versant français, auprès des cols. Nous voulions aussi incorporer les cantons naguère savoyards, de Tende et de la Brigue, peut-être en ferions-nous autant de Vintimille, suivant ce que souhaiteraient les habitants … Il faut en effet se rappeler qu’après le traité de Turin, du 24 mars 1860, prévoyant le rattachement à la France de la Savoie et du Comté de Nice, des parcelles de ces deux provinces avaient été détachées au bénéfice des Italiens, et tout particulièrement en ce qui concerne le Comté de Nice, la partie supérieure du Bassin de la Haute Roya avec les localités de Tende et de La Brigue. Il ne s’agissait donc en fait, dans nos intentions concernant ces revendications territoriales, que d’exiger la réparation des préjudices subis à cette époque. Or, notre Gouvernement n’était pas sans savoir que nos Alliés anglo-saxons étaient totalement hostiles à toute modification territoriale de la frontière franco-italienne de 1939 ; aussi, devant cette prise de position, une des préoccupations de nos dirigeants fut-elle de tout mettre en œuvre en utilisant au mieux toutes les circonstances qui se présentaient, permettant d’occuper militairement, avec nos troupes, les enclaves territoriales revendiquées, mettant ainsi nos alliés devant le fait accompli. Après le débarquement sur les côtes de Provence, au mois d’août 1944, et les combats victorieux de nos armes qui s’ensuivirent les troupes allemandes d’occupation de la zone Sud de la France refluèrent vers le Rhin sans toutefois dégarnir complètement les Alpes, front qui, en effet, couvrait le flanc droit des troupes de l’axe stationnées en Italie du Nord. Le Front des Alpes (Hiver 44-45) A la fin de l’année 1944, malgré les actions combinées des Bataillons des Forces Françaises de l’Intérieur de Provence, du Dauphiné, et de la Savoie, épaulés par le 442 Combat-Team américain et la 4 Division marocaine, les troupes italo-allemandes n’avaient pu être refoulées au-delà des crêtes des Alpes ; et dans le département des Alpes-Maritimes, elles tenaient toujours très solidement le massif de l’Authion. La situation militaire sur le front des Alpes n’évolue guère jusqu’au 1 mars 1945, où fut créé –en accord avec les Alliés – le Détachement d’Armée des Alpes, qui fut placé sous le Commandement du Général français, DOYEN. Ce détachement, uniquement à base d’unités françaises, était hiérarchiquement sous les ordres du Général américain, DEVERS. Le Général DOYEN avait, en fait, la responsabilité d’un front particulièrement étendu, allant en suivant sensiblement la chaîne des Alpes, du Lac Leman jusqu’à la mer Méditerranée. La mission dévolue à ce détachement d’Armée était la suivante : Couvrir les lignes de communications du 6 Groupe d’Armées américaines du Général Devers , communications qui, depuis Marseille, remontaient vers le Nord par les vallées du Rhône et de la Saône. Il est indispensable de signaler que, dans l’esprit de nos Alliés, cette mission était strictement défensive.
**La 1e Division Française Libre revient d’Alsace
Le front du Détachement d’Armée des Alpes, fut articulé en deux secteurs
- un secteur Nord, allant du lac Leman au Pic des Trois Evêques, qui fut confié à la 27 Division d’Infanterie Alpine, et aux 99 et 141 Régiments d’Infanterie Alpine.
- Et un secteur Sud, allant du Pic des Trois Evêques à la mer, qui fut attribué à la 1e DFL, que renforça dans un premier temps, le 3e Régiment d’Infanterie Alpine, puis le 18e Régiment de Tirailleurs Sénégalais
Du côté de l’ennemi, nous avions, en face de ce Détachement d’Armée, deux Divisions allemandes très aguerries, la 5e et la 34e Division de Montagne, ainsi que deux Divisions italiennes, LA MONTEROSA et LA LITTORIO La 1e DFL, venant du front d’Alsace, après avoir participé à la défense de Strasbourg, rejoignit le Secteur Sud du Détachement d’Armée des Alpes, au cours de la première quinzaine du mois de mars 1945 ; et le poste de commandement divisionnaire s’implanta à Beaulieu sur Mer. Cette grande unité, qui, depuis, le débarquement sur les côtes de Provence à Cavalaire, le 15 août 1944, avait participé à toute la campagne de France, dans le cadre de la Ie Armée Française, était à cette époque commandée par le Général GARBAY ; elle comprenait trois Brigades Motorisées d’Infanterie dotées de matériels américains :
- La Première Brigade : Colonel de St HILLIER, puis Lieutenant Colonel de SAIRIGNE
- La Deuxième Brigade : Colonel GARDET
- La Quatrième Brigade : Colonel DELANGE
Ainsi qu’un Régiment de Reconnaissance à base de Fusiliers Marins, le 1e RFM (Capitaine de Corvette de MORSIER)
- un Régiment d’Artillerie (Colonel BERT)
- un groupe de FTA et divers Bataillons, Génie, Transmissions, ainsi que différents services : santé, intendance, etc…
La prise de commandement du Secteur Sud par la DFL fut effective à partir du 15 mars 1945 ; à compter de cette date, une grande activité de patrouilles régna sur tout le front de la Division, afin d’établir de façon aussi précise que possible, la ligne de résistance de l’ennemi. Le 22 mars 1945, le Général Commandant la DFL reçut l’ordre d’étudier les possibilités d’attaquer le massif fortifié de l’Authion. La reprise de ce massif aux troupes de l’axe, permettait en effet, dans un premier temps de supprimer définitivement la menace potentielle de l’ennemi, sur le flanc des communications alliées, et dans un deuxième temps, une exploitation vers le col de Tende, puis éventuellement une action sur le Piémont.
**L’objectif à conquérir : le massif de l’Authion
— Comment se présentant cet important objectif ? Le massif de l’Authion, situé sur la rive droite de la ROYA, sensiblement à la hauteur de Saorge, culmine à plus de 2.000 mètres d’altitude ; il domine de 1.500 mètres environ les vallées alpestres du Cairos, de la Roya et de la Beverra, entouré de pentes raides, ravinées et déboisées. Il est très difficile d’y parvenir, seul un chemin stratégique en lacets, empruntant le plus souvent des arêtes rocheuses, permet d’y accéder. Ce massif montagneux était couronné par des ouvrages militaires importants : Deux forts : celui de la FORCA au Nord et MILLE FOURCHES au Sud. Forts en béton, protégés sur le dessus par plusieurs mètres de terre et ceinturés par de hautes grilles et un profond fossé, battu par les feux de Caponnières. Nous y trouvions également la REDOUTE DES TROIS COMMUNES au Nord-Est et l’ouvrage moderne de PLAN CAVAL à l’Est. Le massif de l’Authion revêtait donc une importance stratégique déterminante dans cette partie des Alpes A ce sujet, il importe de rappeler que les ouvrages militaires qui viennent d’être cités avaient permis aux troupes françaises en juin 1940, de briser toutes les tentatives d’invasion de la part des troupes italiennes Le Commandement allemand de ce secteur alpin avait fait de ce massif, la base même de son système défensif Un bataillon bavarois de la 34 Division de Montagne tenait les ouvrages fortifiés, ces ouvrages étaient en outre protégés par d’importants travaux de campagne, à savoir : ► tranchées, réseaux denses de fil de fer, barbelés, qu’agrémentaient des mines anti-personnel Les flancs du massif étaient minés et battus par les feux de l’ennemi et des réserves de troupes allemandes, stationnant dans la vallée de la Roya, étaient prêtes à intervenir sur les points menacés Au début du mois d’avril 1945, le Commandement de la DFL fut informé que devait débuter le 9 avril 1945, une offensive générale des Alliés sur le front italien. Offensive placée sous les ordres du Maréchal britannique Alexander. Il importait donc au plus haut point, qu’à cette date l’ennemi italo-allemand soit vigoureusement fixé sur tous les fronts et en particulier sur celui des Alpes, afin qu’aucune unité de l’axe ne puisse en être retirée. La date de l’action offensive sur l’Authion, était de ce fait fixée. Malheureusement, en raison des conditions météorologiques particulièrement défavorables le 9 avril 1945 dans ce secteur des Alpes, marquées par de fortes chutes de neige et un manque total de visibilité, l’attaque du massif ne put en fait commencer qu’à l’aube du 10 avril 1945 L’ordre d’opération de la Division précisait notamment : La DFL, renforcée de plusieurs éléments d’Infanterie, doit dans un premier temps s’emparer de l’Authion et dominer la vallée de la Roya entre Breil et Saorge, puis, dans un deuxième temps, occuper la vallée de la Roya de Breil à Saorge et s’emparer des crêtes dominant à l’Est . Nos intentions étaient assez évidentes, occuper militairement les enclaves de la Haute Roya. Il paraît intéressant de signaler, pour la petite histoire, que le 7 avril 1945, soit trois jours seulement avant le début de ces opérations dans les Alpes, après une prise d’Armes à Nice, le Général De Gaulle s’était rendu en personne au P.C. de la 1e DFL à Beaulieu sur Mer. Le plan d’attaque du massif fortifié, principal objectif de la mission, peut se résumer ainsi : Une puissante attaque frontale de l’Authion, que deux colonnes le contournant de part et d’autre, prendraient à revers, l’une par le col de Rauss, l’autre par le Giagiabella La mission principale fut confiée à la 4e Brigade du Colonel Delange, la répartition intérieure à cette Brigade en fut la suivante :
- Action frontale Bataillon d’Infanterie de Marine et du Pacifique (BIMP) commandant Magendie. Bataillon renforcé de chars du 1e Régiment de Fusiliers Marins (1e RFM et de sections du Groupe d’Assaut)
- Colonne par le Col de Raus, Bataillon de Marche n°21 (BM 21) Capitaine Oursel – Bataillon renforcé par une Compagnie d’Eclaireurs Skieurs du 3e RIA.
- Colonne vers Giagiabella (Bataillon de Marche n°11)
Cette action principale de la 4e Brigade était soutenue par deux opérations secondaires, d’une part :
- Au nord, par un Groupement formé par des éléments du 3e R.I.A. et du 18e RTS et dont l’axe d’effort était orienté vers la vallée de la Gordolasque.
- Et d’autre part, au Sud, par la 2e Brigade de la DFL en direction du Mangiabo.
La 1e Brigade de Légion de la DFL, étant maintenue en réserve dans la région de Lantosque. La mise en place des unités sur les bases de départ s’effectua au cours de la nuit du 9 au 10 avril 1945.
**10 avril : vers la Pointe des Trois Communes et Cabanes Vieilles
Ces déplacements étaient rendus particulièrement pénibles pour nos hommes, démunis d’équipements spéciaux de montagne, dans cette région encore en partie enneigée des Alpes. Nous allons suivre maintenant le déroulement de ces opérations. L’attaque du massif fut précédée la veille par une action de diversion dans le Secteur Côtier, avec des bombardements de notre Marine et de notre Artillerie, sur la région de Vintimille. Le 10 avril 1945 au matin, des éléments de notre Aviation, stationnée à Nice, procédèrent à des bombardements de notre Marine et des mitraillages, des ouvrages occupés par l’ennemi ; cette action s’avéra en fait, peu rentable. Dès 9 heures 15, les batteries de l’Artillerie Divisionnaire stationnées à PEIRA CAVA, pilonnèrent systématiquement le Fort de la FORCA. Les destructions provoquées sur cet objectif, furent relativement restreintes, les projectiles, d’un calibre insuffisant, ne permettant pas d’obtenir des résultats marquants sur cet ouvrage en béton, particulièrement bien protégé. A 9h30, deux compagnies du BIMP partirent depuis le TUEIS, à l’assaut du massif, l’une des compagnies avait pour objectif la crête militaire de l’Eperon situé entre le Fort de la FORCA et celui des Trois Communes et plus particulièrement, la cote 2068 et le piton Nord de cet éperon. La cote 2068 fut assez vite occupée, mais aucune progression au-delà ne lui fut rendue possible, en raison d’un réseau de fils de fer barbelés, battu par les feux des armes automatiques installées sur la contre-pente. Le piton Nord de l’éperon s’avéra rapidement être, en fait, doté d’une tourelle blindée et les éléments de la compagnie pris sous les feux des armes automatiques, ne purent avancer ; ils s’accrochèrent cependant au terrain, en utilisant au mieux les trous laissés par les obus d’artillerie, mais furent pris, alors, sous les tirs des mortiers ennemis. Les pertes furent rapidement très importantes, ces éléments se maintinrent cependant toute la journée et vers 15 heures, lors de l’arrivée d’une section de renfort, il ne restait plus que sept hommes valides sur le terrain. A 17 heures 30, grâce à l’appui d’une section d’assaut, la tourelle blindée fut anéantie et tout l’éperon put être alors occupé. Pendant ces combats acharnés, l’autre compagnie du BIMP en profita pour s’infiltrer par la route de montagne, en direction de CABANES VIEILLES, dépassant sans se faire prendre à partie, les Forts de la FORCA et de MILLE FOURCHES Derrière cette compagnie, le GENIE disposant d’un bulldozer, s’activa à boucher les brèches afin de rendre praticable cet itinéraire aux chars légers du Commandant BARBEROT. Plus à droite, une compagnie du BM XI dont l’objectif était la tête du VAIERCAOUT se heurta à une forte résistance de l’ennemi, qui l’obligea à rester cramponnée sur une pente, sans toutefois pouvoir atteindre le sommet de cet éperon. Une autre compagnie du BM XI, escaladant les arêtes rocheuses du mont GIAGIABELLA, fut contre-attaquée avant même d’arriver sur son objectif et dut se replier sur sa base de départ, en raison du nombre de ses pertes. Au nord, le BM 21, partant du RUGGER occupa à midi la cime du TUOR et la compagnie d’éclaireurs skieurs du 3 RIA, rattachée au bataillon, atteignait la cime de RAUSS. Vers 17 heures, après un tir efficace de la compagnie, canons d’infanterie de la 4 Brigade (CC 14) depuis la Baisse du Camp d’Argent, permit à une compagnie du BM 21, renforcée d’une section d’assaut, d’enlever l’ouvrage bétonné du Col de RAUSS. Au sud, l’action menée par la 2 Brigade pour couvrir la droite de l’opération principale, se déroulait ainsi : un groupement du 22 Bataillon de Marche du Nord-Africains (22 BMNA) (Commandant BERTRAND) s’empara du MANGIAPO et s’y maintint
**Sur le col de Bouis
A 7 heures, une compagnie du Bataillon de Marche n°4 (BM 4) (Commandant BUTTIN) occupa la cime du Bosc ; à midi, une violente contre-attaque allemande partant de la Croix de COUGOULE, l’obligea à abandonner la cime. Une autre compagnie du BM 4, renforcée d’éléments d’une section d’assaut, attaqua l’ouvrage bétonné du col de Brouis ; mais, subissant de fortes pertes, elle fut contrainte, elle aussi, à se replier. Le bilan de cette première journée était assez mince ; nous n’avions pu mordre sensiblement dans le système défensif ennemi, et nos pertes humaines étaient assez sévères : 66 tués et blessés. Au soir de ce 10 avril, le Général Commandant la Division décida la poursuite de l’offensive selon les plans prévus et de mener conjointement une action sur le Fort de Milles Fourches, avec le groupe d’assaut du Lieutenant Colonel LICHTWITZ. Je me permettrai d’ouvrir ici une parenthèse concernant le groupe d’assaut. Qu’entendait-on, en effet, sous cette appellation ? Le groupe d’assaut, de création relativement récente à l’époque, était spécialisé dans les attaques des ouvrages fortifiés (fortins, casemates, etc…) il disposait à cette fin d’un armement spécial, en particulier de bazookas et de lance-flammes. Le groupe comptait plusieurs sections d’assaut, chacune de ces sections comprenait six tireurs de bazookas et six servants armés de mitraillettes et de grenades au phosphore, six tireurs au lance-flamme et six servants dotés également de six mitraillettes et de grenades au phosphore ; la section disposait en outre, d’un fusil-mitrailleur, ainsi que plusieurs mortiers légers dotés d’obus fumigènes. La journée du 11 avril 1945, débuta par des contre-attaques allemandes. Dès 3 heures du matin, l’ennemi tenta vainement de reprendre au BM 21, le Col de RAUSS A 6 heures 30, la section du BIMP qui occupait le piton Nord de l’éperon de la FORCA subissait un nouvel assaut et devait se replier ; seule la côte 2068 de l’éperon restait encore entre nos mains. A 8 heures, devant l’attaque combinée du BIMP et des chars légers, les Allemands abandonnèrent le CAMP DE CABANES VIEILLES. . Au début de l’après-midi, le BM XI, se rendait maître de la tête du VAIERCAOUT puis occupait PARPELLA. Quatre sections du groupe d’assaut, renforcées de deux sections du BM XI, s’emparèrent du Fort de Milles Fourches. A 15 heures, le BMIP tentait, mais en vain, de reprendre le piton Nord de l’éperon de la FORCA. Au soir de cette deuxième journée, une brèche assez sérieuse était enfin faite dans le système défensif de l’Authion et nous avions maintenant pied sur le massif. Mais écoutons des extraits du récit, que fit le Lieutenant-colonel LICHTWITZ, Commandant du groupe d’assaut, sur le déroulement de l’opération qu’il mena contre le Fort de Milles Fourches.
**11 avril : conquête de Mille-Fourches
Je rassemble quatre sections du groupe d’assaut … Le 11 avril 1945 vers 1 heure du matin, pour éviter les vues de l’ennemi, DELANGE (il s’agit du colonel Commandant la 4e Brigade) joint pour notre protection, deux sections du BM XI. La route qui conduit à notre base de départ, au pied de Mille Fourches est dominée par les Forts et nous sommes à la merci d’une cigarette allumée. Nous montons en silence ; soudain, une fusée éclairante… tout le monde se plaque à la route… encore deux fusées ; l’ennemi est-il alerté ? Impression désagréable d’incertitude. A quatre heures du matin, nous commençons à gravir la montagne, au sommet de laquelle se trouve Milles Fourches. Plusieurs éclatements de mines anti-personnel… des blessés… Il faut attendre les premières lueurs du jour pour déminer. A cinq heures du matin, nous reprenons notre progression. Je fais porter le matériel, bazookas, lance-flammes et échelles par les voltigeurs qui n’attaqueront pas, pour que les gars des sections d’assaut ménagent leurs forces… Après une demi-heure d’ascension, je demande par radio la préparation d’artillerie prévue… Le tir des 155 entame une partie de la montagne, des blocs de rocher dévalent sur nous.. Chacun essaie d’éviter l’avalanche de pierres…Je fais envoyer une fusée rouge pour interrompre le tir d’artillerie, nous nous contenterons des mortiers à fumigènes qui coiffent maintenant le sommet de Milles Fourches. Cependant que l’artillerie et les mortiers lourds aveuglent les autres Forts pendant notre progression, l’escalade est dure… Pas de trace de l’ennemi. Nous approchons du sommet, nos mortiers claquent à cinquante mètres… Au moment précis où nous commençons à distinguer la redoutable silhouette du Fort, le feu semble jaillir de toutes les pierres en même temps, nous avons l’impression que l’on nous tire dans le dos ; c’est la garnison de la Forca vient de nous apercevoir. Tout le dispositif est immédiatement désarticulé, car chacun choisit le creux ou la pierre qu’il estime capable de l’abriter… Le Fort, illuminé par le feu qui sort de toutes les embrasures, a un aspect terrifiant… Les pertes se multiplient, impression de flottement… Nous rampons dans la boue pour nous rapprocher de nos objectifs. Un obus de l’artillerie a fait une énorme brèche dans la grille, mais à quatre-vingt mètres, la caponnière est intacte… Il faut la détruire si nous voulons descendre dans le fossé qui entoure Fort, du moins de ce côté… un premier porteur de bazooka vient de se coller près de moi… son bazooka est rempli de boue… Il tire trop vite et rate son objectif… Pendant ce temps, un autre bazooka nous rejoint… Bientôt, cinq lance-flammes sont également prêts à entrer en action… Après avoir pris tout leur temps, les deux bazookas tirent les deux rockets, atteignent la caponnière, immédiatement les lance-flammes font un bond de 20 mètres qui met le Fort à portée de leurs feux… Les flammes jaillissent et convergent vers la caponnière qui flambe… Un bond nous porte au contact du fossé qui entoure Mille Fourches… Bientôt, les bazookas et les lance-flammes des autres sections entrent également en action… Nous en profitons pour installer nos quatre échelles et nous précipiter dans le fossé. Nous grimpons sur le toit du Fort… jetant nos grenades à phosphore dans toutes les bouches d’aération. L’air est bientôt irrespirable, la fumée nous aveugle, nous sommes obligés de mettre nos masques… dans le brouillard de l’arrière du Fort, deux bras levés et presque immédiatement deux autres… Bientôt toute la garnison avec ses officiers, en toussant, s’aligne d’une manière impeccable seulement gênés dans leur garde à vous par des quintes de toux… Ces courts extraits montrent la tactique qui fut employée par le groupe d’assaut, pour se rendre maître de cet important ouvrage fortifié qu’était Milles Fourches. La journée du 12 avril va marquer le succès définitif de l’opération menée sur l’Authion.
**Les forts sont enlevés
L’ennemi ne semble cependant pas disposé à céder. Ses réactions, au début de la journée, sont toujours très violentes. A 2 heures du matin, un coup de main du BM 21 sur la BAISSE DE SAINT VERAN A 9 heures, la compagnie de relève du BIMP est stoppée avant de pouvoir atteindre l’éperon de la FORCA A 13 heures, un détachement d’assaut renforcé d’une section du BM 21, parvient à s’emparer du Fort de la Forca, dans des conditions semblables à celles qui ont vu la veille la reddition du Fort de Milles Fourches A 18 heures, l’ouvrage de PLAN CAVAL pris à partie de plusieurs côtés, est abandonné par l’ennemi, qui retraite rapidement sur la BEOLE. A 20h30, la garnison des TROIS COMMUNES violemment soumise aux tirs de notre artillerie, se rend. L’ennemi, en cette fin de journée, commençait à faiblir. Les chasseurs de montagne, faits prisonniers, avouèrent leur stupéfaction devant la présence de chars en ces lieux réputés impraticables pour ces engins. Dans la soirée, l’ordre fut donné à la 1e Brigade de Légion Etrangère de la 1e DFL d’assurer la relève de la 4e Brigade.
**13 avril : vers la Déa
La relève d’une partie de la 4e Brigade fut effective dès le 13 avril 1945 au matin. Le 2e Bataillon de Légion Etrangère (Commandant Simon) occupa les emplacements du BIMP et le 3e Bataillon de Légion (Commandant Lalande) ceux du BM XI. Le BM 21 fut cependant maintenu sur le terrain et se vit rattaché, pour la poursuite des opérations, à la 1e Brigade ; quant au 1e Bataillon de Légion Etrangère (Capitaine de CORTA), il fut maintenu en réserve dans la région de LANTOSQUE. Cette journée du 13 avril fut marquée par les actions suivantes : le BM 21, descendant par la ligne des crêtes, s’installa dès le matin dans l’ouvrage de la Baisse de SAINT VERAN , évacué au cours de la nuit par les Allemands et il occupa les éclaireurs de la compagnie du 3e RIA la Caussega. Le 2e Bataillon de Légion, appuyé par quatre chars légers du 1e RFM, progressant vers le Sud du Massif en suivant la route de l’Arbouin, occupa successivement la Giagiabella, la Maune, la Baisse de Ventabrin, la Pointe de Ventabrin, mais se trouva accroché devant l’ouvrage de la DEA ; aidé des chars, le Bataillon enleva préalablement la Gonella, puis l’ouvrage de la DEA tomba au cours de la nuit. Le 3e Bataillon de Légion se dirigeant vers l’Est enleva la Tête de la SECCA ; il fut arrêté dans sa progression par l’ouvrage de la BEOLE, où l’ennemi qui avait reçu des renforts opposait une très vive résistance sur l’axe la Beole, Colla Bassa Le 15 avril 1945, l’offensive reprit sur l’ensemble du front, le 2e Bataillon de Légion s’empara de l’ARBOUIN et le 3e Bataillon de Légion Etrangère, avec l’appui des trois chars légers du 1e RFM, enleva l’ouvrage de la BEOLE et la côte 1649. Plus au Sud, la 2e Brigade de la DFL renouvela son action offensive. Un groupement constitué par des éléments du 22 BMNA et du BM 4, s’empara de la Cime du Bosc et de la Croix de Cougoule. Puis le BM 4 occupa l’ouvrage du col de BROUIS, abandonné par l’ennemi au cours de la nuit ; une compagnie de ce Bataillon se porta par la route à BREIL et trouva le village abandonné, mais truffé de mines et de pièges qui nous causèrent quelques blessés. Une autre compagnie du BM 4 occupa la GIANDOLA et CACCIARDI. Pendant ce temps, une compagnie du 22 BMNA rejoignait le 2e Bataillon de Légion à l’ARBOIN ; Cette compagnie, progressant en direction de Breil, s’empara du col d’Agnon et de la Croix de Campe. En cette fin de journée, la première ligne de défense de l’ennemi était complètement rompue par une brèche de plusieurs kilomètres.
**La descente sur la Roya
Le 16 avril, l’offensive se poursuivit, le BM 21 atteignait le plateau de la CEVA, la cime de COSS, la cote 1576 et COLLA ROSSA. Le 3 Bataillon de Légion continuant sa progression fut arrêté à nouveau devant Colla Bassa Une reconnaissance du 22 BMNA sur Piena fut accueillie par un feu intense de l’ennemi : sept tirailleurs blessés n’ayant pu être évacués, furent achevés à la mitraillette par les Allemands. Au cours de la journée du 17 avril 1945, le BM 21 et la compagnie des éclaireurs-skieurs poursuivirent leur avance, la cime de PEZURBE et le village de MAURION furent atteints ; les Allemands contre-attaquèrent sans succès. Le 3 Bataillon de Légion restait, quand à lui, toujours arrêté devant COLLA BASSA, qu’il n’avait pu investir malgré plusieurs attaques. Le 18 avril 1945, le BM 21 continua à poursuivre son avance, le point d’appui de CABANIERE fut occupé. Les Allemands contre-attaquèrent en rangs serrés, aux cris de Heil Hitler, pour reprendre dans la matinée la cime de Pezurbe, qui domine FONTAN ; mais les pertes des chasseurs de montagne ennemis les obligèrent à battre en retraite. Le 3 Bataillon de Légion Etrangère, après une préparation d’artillerie et l’appui de deux chars légers, s’empara de la cime de Colla Bassa, de la côte 1121 et du Fort de Marta. Le 19 avril 1945, l’ordre fut donné au 2e Bataillon de Légion de relever le BM 21; ce dernier, depuis neuf jours sur la brèche était épuisé et d’autre part, son étirement sur le terrain rendait ses bases beaucoup trop éloignées. A titre indicatif, il fallait plus de vingt heures de brancardage pour évacuer les blessés sur des pistes de montagne, depuis la cime de Pezurbe jusqu’à la pointe des Trois Communes, où avait pu être implantée la plus extrême antenne du Service de Santé. La relève fut assurée au cours de la nuit du 19 au 20 avril. A l’aube du 20 avril, une violente contre-attaque allemande sur la cime de PEZURBE, surprit les légionnaires, qui décrochèrent après de durs combats. Le 2e Bataillon de Légion secondé par le BM 21, reprirent possession de Pezurbe et s’y maintirent. Le 24 avril 1945, nous parvenait un message du détachement d’Armée des Alpes, faisant mention d’une retraite générale de l’ennemi sur le front italien, et, dans tout le Secteur Sud, des patrouilles vérifièrent les contacts. Une compagnie du 220 BMNA occupa la Piena. Le 1e Bataillon de Légion Etrangère, qui venait d’être engagé, s’empara sans réaction de la part de l’ennemi, de la cime de Tesina et Mora Vacceria et poursuivit son mouvement vers le Pas de Sainte Anne, qu’il occupa. Le 25 avril, les reconnaissances avancèrent, sans opposition de la part de l’ennemi, et le BM 4 occupa le mont Ainé, à l’Est de Breil et le 22 BMNA investissait la cime du Tron, Olivetta et St Michel sur la Roya. A l’extrémité Sud du front, le Bataillon de Marche n°5 (commandant HAUTEFEUILLE) occupa VINTIMILLE dans l’après-midi. En cette fin de journée du 25 avril 1945, le front s’alignait le long de la Roya, de Breil à la mer. Dans la soirée, le 22 BMNA venait renforcer le BM 5 à Vintimille.
**26 avril : changement d’itinéraire, par le col de la Lombarde
Compte tenu de la situation militaire sur le front des alpes, marquée par la retraite de l’ennemi, il nous appartenait de poursuivre rapidement les troupes italo-allemandes, au-delà des Alpes et en l’occurrence vers le Piémont. Le problème n’était pas des plus simples : en effet, s’il existait normalement trois axes vers Turin (la route côtière, le col de TENDE et le col de LARCHE), six coupures importantes entre Menton et Vintimille rendaient inutilisable ce premier itinéraire côtier; d’autre part, tous les ouvrages d’art dans l’étroite vallée de la Roya avaient été détruits, rendant impraticable l’itinéraire du Col de TENDE, et les énormes destructions de la route du Col de LARCHE, enlevaient tout espoir d’utilisation de ce passage dans des délais aussi rapides que possible. Il ne restait plus, en fait, qu’une piste peu connue, allant d’Isola en Tinée à Vinadio dans la vallée de la Stora Di Delmonte, empruntant le Col de la Lombarde; cet itinéraire, il est vrai, avait été celui qu’utilisèrent en 1795 les Maréchaux SERURIET et KELLERMAN, pour se rendre dans le Piémont, cette piste deviendra aussi celle qu’utilisera la DFL. Il faut noter, ici, que pendant cette période du 14 au 20 avril 1945, où l’intérêt général était axé sur les opération du massif de l’Authion, des actions locales avaient permis à nos troupes de conquérir au Nord du secteur, successivement l’ouvrage de Barbacane et le poste d’Ischiator, ce qui nous permettait de prendre pied dans le val de Castiglione; or, la piste partant d’Isola en Tinée vers le col de la Lombarde, suit ce val de Castiglione (ou Chastillon) Il s’agissait, dans notre poursuite des troupes de l’axe vers l’Italie, non seulement, de faire passer l’infanterie et les mulets dans la vallée de la STORA DI DELMONTE, mais aussi des camions, des chars et des canons; or la piste existante était en très mauvais état, les ponceaux de résistance insuffisante pour les tonnages à supporter et la face Nord de ce col était encore en partie recouverte de neige. L’aménagement rapide de cet itinéraire représentait en soi, un véritable tour de force; cependant, grâce au Génie divisionnaire, un véritable travail de Titan fut réalisé dans un temps record et rendra cette voie de pénétration vers le Piémont praticable dès le 30 avril à tous nos engins motorisés. Dans la nuit du 25 au 26 avril, sans attendre son matériel lourd, le 1e Bataillon de la Légion partit vers le Col de la Lombarde. Le BM XI, qui avait été transporté par véhicules à ISOLA en Tinée, poussa également ses premiers éléments vers le Col, en suivant la piste du val de Castiglione. Cette piste était encore enneigée, l’ennemi avait détruit toutes les valises de jalonnement, rendant la progression très difficile et lente, les hommes et les mulets peinaient. Près du col, les difficultés ne firent qu’augmenter, le col était en effet obstrué par plus de deux mètres de neige fraîche, les animaux ne pouvaient plus avancer, il fallut les débâter et confectionner des traîneaux de fortune pour faire glisser les charges, la tâche était exténuante ; un kilomètre de parcours dans la neige nécessitait plus de trois heures de peine et de fatigue. Le col une fois franchi, il n’y avait plus alors qu’à descendre vers la vallée verdoyante de la Stura di Delmonte. Derrière les fantassins, les sapeurs du Génie s’activaient à jalonner et à aménager la piste. Le 27 avril, le BM XI arrivait à VINADIO sans avoir à combattre ; l’ennemi avait décroché et le Bataillon fut accueilli bruyamment par les partisans italiens des Brigades Giustizia et Liberta aux foulards verts et Garibaldi aux foulards rouges. Le 1e Bataillon de Légion Etrangère atteignait à son tour Vinadio, puis Prata Longo. Le 28 avril, le BM XI parvenait à SAN DALMAZO. La Division reçut alors l’ordre du Général Doyen de se regrouper en Italie La situation en ce 28 avril se présentait ainsi : Turin, libre d’obstacles, n’était plus qu’à 70 kms de nos éléments de tête et la piste du Col de la Lombarde devait être rendue praticable à nos engins motorisés sous deux jours. Mais le 29 avril, cette aventure audacieuse en Italie devait tourner court ; en effet, par message lesté, il était donné impérativement l’ordre aux troupes françaises arrivées dans la Vallée de la Stura di Delmonte, de ne pas dépasser Coni et Borgo San Dalmazo. La route de Turin nous était fermée par les Alliés, le gros de la DFL ne quittait plus la France et ce furent les anglo-saxons qui entrèrent à notre place dans la capitale du Piémont. Le 2 mai 1945, ce fut l’effondrement total de l’Armée allemande dans le nord de l’Italie. Le 5 mai, l’Armée américaine du Nord franchissait le Brenner et le 8 mai, l’Allemagne capitulait. Ces derniers combats des Alpes avaient encore coûté cher à la 1e DFL : 273 tués et 644 mutilés et blessés. Nos morts furent rassemblés dans le cimetière de l’ESCARENE, canton des Alpes-Maritimes au Nord de Nice. Un mausolée a été érigé depuis, où reposent désormais nos anciens camarades de combat. Comme épilogue, nous nous reporterons à nouveau à ces Mémoires de Guerre déjà citées et nous pourrons constater que cette question de la frontière franco-italienne des Alpes-Maritimes ne fut pas chose des plus faciles régler
**La crise franco-américaine
Dans ces mémoires, nous pouvons lire en effet : L’offensive finale menée dans les Alpes par les troupes du Général Doyen, avait atteint les objectifs fixés… Les cantons de la Roya se trouvaient entre nos mains le 2 mai 1945, jour où les forces allemandes et fascistes opérant en Italie, hissaient le drapeau blanc. Au point de vue administratif, Tende, La Brigue et Vintimille étaient aussitôt rattachées au département des Alpes-Maritimes… Au cours du mois de Mai, les Américains manifestèrent leur volonté de voir nos troupes se retirer en deçà de la frontière en 1939. Dans le territoire que nous devions, suivant eux, évacuer, nous serions remplacés par des forces alliées… Le Général Alexander, Commandant en Chef en Italie, obéissant à Churchill, dirigeait vers Tende, la Brigue et Vintimille, des troupes italiennes sous ses ordres ; ce qui, si nous laissions faire aurait pour effet d’y rétablir la souveraineté de Rome… Comme d’âpres échanges de vues avaient lieu entre Gritenberg qui boulait prendre notre place et Doyen qui n’y consentait pas et comme le général français avait notifié par écrit à son interlocuteur, qu’il pousserait au besoin son refus jusqu’à l’extrême conséquence ‘conformément au général De Gaulle , le Quartier Général US en Italie s’empressait d’annoncer aux correspondants des journaux, que par mon ordre, les troupes françaises s’apprêtaient à tirer sur les soldats américains… Le 6 juin 1945, l’ambassadeur Caffery remettait aux Affaires étrangère une note exprimant les préoccupations de son Gouvernement au sujet du maintien des forces françaises dans certaines parties de l’Italie du Nord Ouest, protestant contre l’attitude du Doyen et réclamant le retrait de notre troupes. Sur quoi Duff Cooper accourait à son tour pour dire que le Gouvernement de Sa Majesté était entièrement d’accord avec la position prise par les U.S.A. Le lendemain, m’arrivait un message du Président Truman, celui-ci exprimait l’émotion que lui avait causée la menace du Général Doyen. Il m’adjurait de prescrire l’évacuation, en attendant que puisse être effectué normalement et rationnellement le règlement des revendications que le Gouvernement français aurait à formuler au sujet de la frontière, faute que je veuille donner suite à ce qu’il me demandait lui-même serait amené à suspendre les distributions de munitions et d ‘équipements assurés à l’armée française par les services américains. Je ne pris pas au tragique la communication de Truman, cependant, il me parut bon de mettre de l’huile aux rouage des relations franco-américaines. Je répondis au Président qu’il n’avait évidemment jamais été dans mes intentions, ni dans les ordres du Gouvernement français, ni dans ceux du Général Doyen, de s’opposer par la force à la présence des troupes américaines dans la zone alpine, qu’il u avait dans cette zone des troupes américaines en même temps que des troupes françaises et que les unes et les autres vivaient là, ensemble comme partout ailleurs, en bonne camaraderie. Ce qui étaient en question, ce n’était pas la co-existence des Français et de leurs alliés, mais bien l’éviction des Français par les alliés hors d’un terrain conquis par nos soldats contre l’ennemi allemand et l’ennemi fasciste italien et où au surplus, plusieurs villages avaient une population d’origine française. Je signalais à Harry Truman que notre expulsion forcée de cette région… aurait les plus graves conséquences quant aux sentiments du peuple français ! J’écrivais enfin que pour donner à lui-même, Truman, satisfaction dans la mesure où cela nous était possible, j’envoyais Juin auprès d’Alexander afin qu’ils recherchent ensemble une solution… En fin de compte, la solution consista en ceci : que nous restions en possession de ce que nous voulions avoir. D’ailleurs, pendant que l’on discutait, nous créions des faits accomplis, les cantons de tende et de La Brigue élisaient des municipalités qui proclamèrent leur rattachement à la France…Il n’était qu’à Vintimille que nous laissions aller les choses, parce que les sentiments nous y paraissaient mélangés. En fin de compte, la solution consista en ceci : que nous restions en possession de ce que nous voulions avoir. D’ailleurs, pendant que l’on discutait, nous créions des faits accomplis, les cantons de tende et de La Brigue élisaient des municipalités qui proclamèrent leur rattachement à la France…Il n’était qu’à Vintimille que nous laissions aller les choses, parce que les sentiments nous y paraissaient mélangés. Au demeurant, les quelques soldats américains et britanniques présents sur le terrain en litige, s’en retirèrent aussitôt après la défaite électorale de Monsieur Churchill, fin Juin 1945… Quand, le 25 septembre 1945, monsieur Alcide de Gasperi, devenu Ministre des Affaires Etrangères dans le Gouvernement de Rome, me fit visite à Paris, il me pria de lui préciser quelles conditions seraient les nôtres lors du prochain Traité de Paix, je pus lui dire que nous ne voulions nous voir reconnaître en droit, que ce qui était réalité, en fait… comporter de telles clauses et que l’Italie y souscrirait sans rancœur… C’est ce qui eut lieu, en effet . authion_par_colonel_jeanperrin-53278.pdf
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