*ITALIE
23-27 avril . – Rassemblement des unités sous la pluie et dans la boue du camp de Sidi-Ahmed, près de Bizerte.
27-29 avril. – Embarquement en rade de Bizerte. 3 mai. – Débarquement à Naples.
Du 3 au 6 mai, à Albanova, le 1e B.T.D. met au point son équipement, fait ses réglages radios (dans les limites compatibles avec le secret des opérations), répartit le câble téléphonique, distribue les derniers matériels, pendant que ses équipes de construction de lignes participent déjà à ’organisation des liaisons téléphoniques qui prolongent et complètent l’axe des transmissions du C.E.F.
Le 10 mai , à 23 heures, c’est l’heure tant attendue ! Elle va nous venger de celle qui, il y a quatre ans, jour pour jour, bousculait nos armées et se terminait par l’invasion de la France. Un formidable bombardement donne le signal.
Dans le tonnerre effroyable de l’artillerie enfin déchaînée, qui se répercute aux échos des montagnes, chacun est à son poste.
Comment va fonctionner cet admirable mais délicat mécanisme des transmissions ? Le matériel pourra-t-il tenir tout ce qu’il promet ? Les liaisons radios seront-elles efficaces dans ces massifs montagneux, les lignes téléphoniques qui courent le long des sentiers rocailleux résisteront-elles au sage des hommes et des véhicules ? Oui. Tout va bien : la sonnerie du central téléphonique mêle sa petite voix au grondement formidable du dehors, les appels radios arrivent normalement.
Les équipes de réparations sont échelonnées e parcours des circuits téléphoniques et n’ont que rarement à intervenir.
L’attaque de la 4e brigade progresse lentement, gênée sur sa e par la position du GIROFANO demeurée entre les mains de l’ennemi.
Au cours de son avance, le colonel Pitonne, le poste de radio à ondes moyennes, ne peut que rester dans les vallées ; et le contact est perdu avec le PC. de la division. Mais le poste du détachement de liaison d’artillerie divisionnaire, plus portatif, fonctionnant en ondes courtes à modulation de fréquence, continue d’assurer la liaison avec le PC. de l’artillerie divisionnaire, c’est par son canal que l’état-major de la division conserve le contact avec le commandement de la 4e brigade.
Le 13 mai, à 8 heures, le GIROFANO est pris par la 2e D.I.M.
L’attaque reprend. SAN ANDREA est enlevé – la ligne Gustav est rompue. La première bataille est gagnée.
L’exploitation commence, la division progresse. La liaison est établie par radio avec les Canadiens qui attaquent le Mont-Cassin.
L’axe des transmissions se matérialise par un enchevêtrement de câbles hâtivement déroulés sur les chemins hâtivement déroulés sur les chemins qui passent par SAN AMBROGGIO, chemins bordés de champs de mines, où les équipes de monteurs, gênés par la circulation des véhicules et des engins, posent, élèvent, réparent sans repos les lignes téléphoniques entre les PC. qui changent d’emplacement jusqu’à trois fois par jour.
Les hommes sont épuisés, l’énergie des chefs d’équipe se fait admirablement sentir. Et que dire des motards , au prix de quelles acrobaties, dans cette nuée de camions, de chars, de Jeep, de jour et de nuit, sortant des chemins au risque de sauter sur les mines, à la recherche d’un P.C. de bataillon dont ils ne reconnaissent qu’approximativement l’axe de marche.
Métier ingrat, périlleux, où seuls la foi et l’amour de vaincre peuvent animer et soutenir ceux qui, pour accomplir leur Mission, savent parfois mourir sans témoins et sans éclat.
Tels ces deux agents de liaison, partis dans la nuit du 21 mai pour atteindre la 13e demi-brigade de Légion étrangère au MONTE LEUCIO, voulant passer malgré la contre-attaque ennemie, et dont on ne retrouvera plus, dans la ferraille calcinée de la Jeep qu’un amas de chair sans nom.
Un seul des deux était là, et nous ne sûmes son nom qu’en recevant plus tard la lettre du survivant :
Je n’ai plus qu’un œil et qu’un bras, mais ils sont encore bons et venez vite me chercher pour que je continue avec vous.. .
PONTE CORVO est enlevée après cinq jours d’une rude bataille ensanglantée par les rafales des 88 et des nebelwerfer, l’avance reprend sur des routes très étroites, encombrées de matériel abandonné, parmi les décombres et les ruines fumantes, dans une poussière épaisse et étouffante, se collant aux visages en sueur pour en faire des masques hallucinants.
Il n’est plus question de dérouler du fil. La radio porte à elle seule la lourde responsabilité d’assurer la liaison avec toutes les unités éparpillées le long des nombreux petits chemins bordés de haies.
Le 30 mai, arrêt à CASTRO DEL VOLSCI , petite localité perchée tout au sommet d’un énorme piton.
Le 4 juin, l’allure folle reprend : 70 kilomètres en une étape, par CECCANO -VALMONTONE, ZAGARELLO , vieux château féodal où le bataillon de transmissions se regroupe.
Le contact avec l’ennemi est repris par la 2e brigade de la VILLA ADRIANA, région de Tivoli.
L’ennemi décroche le 8 juin. La poursuite reprend le 9. Traversée de Rome. La 2e brigade atteint le lac de Bolsena, enlève MONTEFIASCONE, atteint BOLSENA.
La 1e compagnie du 1e B.T.D. subit, sur le plateau nord de MONTEFIASCONE, dans la nuit du 11 juin, une violente attaque aérienne.
Deux vagues successives déversent des grenades qui font de nombreux blessés et tués, parmi lesquels le sous-lieutenant ENSUQUE , ce colosse athlétique au cœur d’enfant, mort en quelques secondes, la gorge tranchée par un éclat, le caporal infirmier, retrouvé mort d’un éclat à la tempe, agenouillé auprès du blessé, qu’il était en train de soigner.
Les blessés sont nombreux, parmi lesquels le capitaine HAUET , échappé miraculeusement, un éclat s’était logé derrière la colonne vertébrale, et le sergent infirmier posant lui-même un garrot à sa cuisse à moitié arrachée, refusant les soins du toubib avec ces mots : Laisse-moi, toubib, occupe-toi plutôt des autres…
Au poste radio du P.C., l’opérateur est retrouvé mort devant son appareil. Nuit tragique, qui n’altère pas l’entrain, car il faut se remettre en route, l’avance continue.
La division, progressant sur deux axes, rencontre, dans un pays accidenté et semé de destructions, une résistance opiniâtre ; elle enlève SAN LORENZO, CASTEL GIORGIO, ACQUAPENDENTE ; à travers les monts et les ravins, les transmissions se heurtent à d’innombrables difficultés : l’unique route vers RADICOFANI , coupée en plusieurs endroits, est bombardée par l’ennemi.
Le général BROSSET, de sa Jeep-radio qui l’accompagne toujours, règle lui-même les mouvements des convois et des blindés. Le BM21, sur le CALCINAJO, subit le choc d’une contre-attaque extrêmement violente de parachutistes surgis du brouillard épais. Les pertes sont graves, il ne reste que deux sous-officiers européens à la compagnie COUTIN. Cependant, seul à son poste, le radio ne perd pas son sang-froid : la mitraillette dans une main, le combiné dans l’autre, il demande des tirs d’artillerie, ne s’arrêtant de préciser la situation que pour faire le coup de feu sur les ennemis à 20 pas de lui ; il contribue pour beaucoup à rétablir la situation.
Décimé par nos obus, l’ennemi perd pied et reflue vers la pente nord du CALCINAJO,
Le 21 juin, après la prise de RADICOFANI, de FONTE VETRIANA, de PIAGGIO – VILLANOVA, l’ultime objectif de la division est atteint.
Elle est relevée du front italien et se regroupe pour regagner TARENTE et BRINDISI d’où elle partira pour la France.
Le 13 août, la division embarquée quitte la rade de Tarente.
Extrait de l’historique des Transmissions par le colonel Gaston PIETTE
Revue de la France Libre n°93 Décembre 1956
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